Turcaret ou le Financier
Pièce de théâtre d'Alain-René Lesage (1708).
Ancien laquais devenu traitant (fermier général) à force de ruses et d'escroqueries, Turcaret est un homme sot, vaniteux et sans scrupule. Reléguant sa femme en province, il mène une vie légère à Paris, où il entretient à grands frais une baronne pour laquelle il a toutes les faiblesses. Cette jeune personne est elle-même éprise d'un Chevalier qui lui soutire tout ce qu'il peut. Dans cette petite société où tous les personnages rivalisent de friponnerie pour se berner les uns les autres, Turcaret se retrouve dépouillé de sa fortune et emprisonné pour escroquerie. Le grand gagnant est Frontin, un valet rusé qui s'est employé à tromper ses maîtres successifs, la Baronne, Turcaret, puis le Chevalier, et qui conclut: «Voilà le règne de M. Turcaret fini, le mien va commencer! »
Modèle de la comédie de mœurs, cette pièce en cinq actes et en prose a marqué une date dans l'histoire du théâtre français. Reprenant les attaques portées par La Bruyère quelques années plus tôt dans ses Caractères (1688) contre le monde des financiers, cette satire ironique et amère, dans la veine de celles de Molière, déclencha lors des premières représentations un immense scandale dans les milieux qu'elle critiquait si vigoureusement; elle fut d'ailleurs rapidement interdite. Il faut dire que sa publication intervenait dans le contexte de la longue et coûteuse guerre de Succession d'Espagne (1701-1714), période particulièrement difficile durant laquelle le luxe ostentatoire des nantis était encore plus insupportable pour le peuple réduit à la misère à force de privations.