Lumières pour enfants : Walter Benjamin pour les nuls

J'ai découvert presque par hasard ce recueil d'enregistrements radios dont j'ignorais jusqu'à l'existence. En 1929 :
Walter Benjamin qui deviendra après sa mort la figure la plus pure et parfaite de l'intellectuel intransigeant (il mourra dans les Pyrénées alors qu'il était sur le point de franchir la frontière espagnole, synonyme de liberté), s'essaie à la radio pour gagner sa vie. Dans sa quarantaine finissante, il écrit sur l'importance de ce nouveau média et anime, peu avant la main-mise sur les moyens de communication par les nazis, une émission destinée à l'Education des enfants. Le concept de ces Lumières pour enfants est étonnant : Benjamin est seul, face au micro, et raconte des histoires pour la jeunesse, explique l'origine du dialecte berlinois, décrypte le théâtre de marionnettes ou vulgarise les contes d'Hoffmann. Avant d'être le philosophe que l'on sait, Walter Benjamin aura donc été un conteur hors pair. Ces histoires regroupées ici sont une merveille de précision et d'érudition. Benjamin raconte Faust en quelques pages et réussit, en si peu d'espace sonore, à en raconter l'histoire mais aussi la genèse. On l'imagine interprétant les rôles de Faust et du diable, peut-être en "faisant l'acteur" et en modulant ses expressions, puis retombant sur sa voix d'universitaire contrarié et expliquer l'origine du succès de l'ouvrage. Plus loin, il s'attarde sur quelques figures du Berlin de l'époque : les gens du peuple, porteurs, mendiants, et collecteurs de rebuts, personnages qui annoncent les réflexions qui hanteront le Livre des Passages, son oeuvre phare.
Les histoires de Benjamin semblent s'adresser à des enfants qui ne sont pas de notre époque. On les voit assez mal marcher avec nos gamins d'aujourd'hui mais sait-on jamais. Elles les rendraient, dans ce cas-là, instantanément curieux et intelligents. Elles sont sublimes, traditionnelles et gorgées d'érudition. L'auteur allemand y insinue ses propres pensées, sa propre spiritualité, faisant de l'exercice radiophonique une sorte de "philosophie pour les nuls" ou de "cours de littérature" très accessible. Ces textes, plus lisibles que tout ce qu'il fera plus tard (parce que textes lus), sont une jolie porte d'entrée vers une oeuvre insondable, décisive et inépuisable. Chacun peut ainsi se poser en enfant de Benjamin et profiter du spectacle.
Walter Benjamin - Lumières pour enfants / Christian Bourgois
Texte établi par Rolf Tiedemann, Traduit de l'allemand par Sylvie Muller 

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Paru le : 03/11/2001  

Nb. de pages : 280 pages

Poids : 300 g

Dimensions : 12cm x 20cm x 1,9cm
 

Ce volume prend sa place naturelle après Trois pièces radiophoniques déjà parues dans la même collection.
Il regroupe en effet les émissions destinées à la jeunesse réalisées par Benjamin avant la mainmise des nazis sur la radio. Que Benjamin ait aussi été un conteur, on le savait déjà. Mais ici, à travers le prisme de l'enfance, et dans la profusion labyrinthique de récits hantés par le merveilleux, c'est le projet d'une pédagogie libre qui s'énonce familièrement, à la façon des devinettes. Tant dans le "je me souviens" berlinois qui ponctue le livre que dans l'évocation d'événements lointains, ces "lumières" pour enfants clignotent pour tous comme le butin enjoué de ce collectionneur d'histoires qu'était Benjamin.
  

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A NOTER 

Fictions / Enfantines

le dimanche de 16h30 à 17h
  

01 Nov. 2009
"Lumières pour enfants" de Walter Benjamin 
 

15 Nov. 2009
"Lumières pour enfants" de Walter Benjamin

Réalisation de Jacques Taroni


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Le premier roman de  

David Foster Wallace 

enfin disponible  en  

France

 


Salué par ses contemporains comme l'un des plus inventifs romanciers de sa génération, David Foster Wallace se suicidait l'an dernier, laissant derrière lui une oeuvre trop peu diffusée en France. Son premier roman est enfin traduit, vingt ans après sa sortie. 
 

David Foster Wallace, ce sont les autres écrivains qui en parlent le mieux. Dans David Foster Wallace pour mémoire, recueil de textes écrits et lus par certains des meilleurs auteurs anglo-saxons contemporains en hommage à l’écrivain suicidé en septembre 2008 à l’âge de 46 ans, c’est plus qu’un tribute qui se dessine, c’est carrément une expérience mystique.

 

La présence de DFW ou de la lecture de ses livres dans leur vie ressemble à une expérience épiphanique aussi bien esthétique qu’humaine, intellectuelle qu’amicale, comme s’il s’était agi d’une sorte de prophète de la littérature. “Nous nous voyions peu, nous correspondions de temps en temps, mais chacun de nos rendez-vous me paraissait hyperdense, presque sacramentel, si l’expression n’est pas trop kitsch. Je ne sais pas grand-chose de la spiritualité de Dave, mais je le considère comme un grand écrivain américain bouddhiste, dans la lignée de Whitman et Ginsberg. C’était un artiste de l’éveil”, écrit George Saunders.

 

Zadie Smith, qui n’a jamais caché son immense admiration pour l’écrivain et son ambition d’un jour l’égaler : “Lire ce livre (Brefs entretiens avec des hommes hideux – ndlr), c’est comme être dans une église. Et le mot le plus important dans ce livre, ce n’est pas “ironie”, mais “don”. Quant à Don DeLillo, il commence par : “L’infini. C’est le sujet du livre de David Foster Wallace sur les mathématiques, la philosophie et l’histoire d’un concept vaste, beau et abstrait. Il est fait référence, dans ce livre, à la dichotomie de Zénon et à la conjecture de Goldbach, au théorème de maximalité de Hausdorff.

 

Infinite Jest (1996), un volumineux pavé considéré comme le chef-d’oeuvre expérimental de DWF, n’a jamais été traduit en France – nous n’avons eu, jusqu’à aujourd’hui, pour faire connaissance avec ce monstre sacré de la littérature américaine, que deux recueils de textes en traduction, Brefs entretiens…, et Un truc soi-disant super auquel on ne me reprendra plus. Et quand DeLillo poursuit par “Il voulait être l’égal du vaste flux de la culture contemporaine, de ses dérapages et de ses babils”, il donne là le véritable enjeu de la littérature de Foster Wallace, à l’oeuvre dès son premier roman La Fonction du balai, enfin traduit en France aujourd’hui.

 

Vaste fresque aussi labyrinthique qu’un réseau téléphonique, cet ample roman broussailleux publié en 1986 annonce déjà internet et l’ère virtuelle, l’hypertexte et YouTube, dans sa construction pensée comme un enchâssement de fictions, de dialogues longuissimes (autant dire qu’il faut s’accrocher) comme des chats absurdes, de scènes qui existent à peine, seulement narrées entre deux protagonistes, de personnages qui nous semblent aussi éloignés que ceux d’un clip.


Car ce que crée l’écriture de DFW, c’est comme un écran, une vitre, un filtre entre le lecteur et les personnages. Au préalable, l’histoire tenait pourtant en quelques mots : la jeune Lenore, qui découvre que son arrière- grand-mère a mystérieusement disparu de son hospice avec vingt autres pensionnaires, se lancera à sa recherche avec l’un de ses fiancés. S’ensuit une version samplée
d’Alice au pays des merveilles à travers les Etats-Unis, un conte urbain et surréaliste de la solitude, constamment menacé par l’étrange.

 

A l’heure où virtuel et réel sont parfois si imbriqués, qu’est-ce qui prouve vraiment à l’être qu’il soit plus vivant dans sa vie réelle qu’en avatar prisonnier d’une “deuxième vie”, comme d’un purgatoire. C’est en effet à une expérience esthétique de la vie après la mort que nous convie David Foster Wallace. D’où, sans doute, son aura “spirituelle”. 

 


 

http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/1252233001/article/le-premier-roman-de-david-foster-wallace-enfin-disponible-en-france/


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Les forces motrices d’Antoine Emaz


Poésie . À la limite de l’« infra-poétique », un auteur qui occupe le terrain.

Peau, d’Antoine Emaz, Collection « Doute B.A.T ». Tarabuste éditeur, 12 euros.

et Cambouis, d’Antoine Emaz, Collection « Déplacements », Seuil, 16 euros.

Avec Soirs publié chez Tarabuste éditeur en 1999 puis Ras en 2001 et Os en 2004, Antoine Emaz inaugurait ces suites de poèmes sans titre, écrits à même la pâte du quotidien, - après levée ! - pour dire comment c’est, comment ça passe les jours - les poèmes sont tous datés ! - comment ça fuit le monde. Et comment ça dure aussi. Pourtant.

Peau continue avec ses « poème(s) pauvre(s), musique de mots quasi berceuse pour occuper le terrain - aucune magie », à sa main, avec l’obstination lente et l’intensité vive de qui travaille la langue à partir des points d’impact de la réalité sur lui. Peau continue car il faut continuer, manière propre à Antoine Emaz « d’occuper le terrain », de « faire front », de tenir contre : « De toute façon / on ne change pas de peau. »

« infra-poétique » et prise de réel

Mais cette peau de poète, qu’est-ce ? C’est une peau de poèmes, 30 ici, regroupés en 5 séries de 6 poèmes. Une peau de poèmes mise en page et tavelée par les encres de Djamel Meskache. Une peau et ses taches de vie auxquelles Antoine Emaz donne ici les noms de « Trop, Seul, Vert, Lie, Corde » mots renvoyant à ces forces qui par-dessous travaillent, forces qu’on retrouve bien sûr dans ses livres précédents comme fatigue, solitude, nature, mémoire, excès…, forces qui poussent sous la peau, « forces motrices » dont il parle dans son entretien avec Thierry Guichard dans le n° 93 du Matricule des anges, forces obscures qui sont du côté de ce qui remue le corps et qui dans l’émotion nous rendent muets, forces qui sont à l’origine des mots du poème comme autant de tentatives de reprendre pied dans la langue. Dans ce livre, Antoine Emaz risque le pas jusqu’à ancrer sa poésie aux limites de l’infra-poétique. Ainsi ces flashs d’information par exemple pour ce qu’il en est du corps social ou ces résultats bruts d’une prise de sang, prise de réel, prise de vie à même le corps du poète dans son travail d’écriture.

Travail d’écriture dont son dernier livre Cambouis témoigne. Avec ce livre nous entrons dans le chantier ouvert et entretenu au quotidien par Antoine Emaz. Cambouis est un livre de notes dans la lignée de Lichen, lichen paru en 2003 aux éditions Rehauts. La métaphore végétale cède le pas à une métaphore de type mécanique, là où le cambouis est cette matière grasse avec laquelle on enduisait les essieux des voitures, les rouages des machines pour en faciliter le mouvement. Ce cambouis d’Antoine Emaz accompagne son moteur de poète, les dispositifs qu’il s’est forgés chemin écrivant. Cette graisse est faite de notes mêlées. Le mot dit la bribe, le fragment, l’épars mais aussi le trait, l’éclat. La note relève d’un mode de penser particulier. Il suppose que l’on accepte le discontinu de la vie comme elle va. Ainsi noter, c’est finalement moins parler de soi que parler à partir de soi, de ce qui nous arrive, de nos rencontres, celles qui nous jettent dans le muet du corps, intérieurs éclairés mais muets. Viendra ensuite la mise en route du poème avec son travail de rabotage, ponçage, ajustements divers, tout ce travail de « menuiserie », dit Antoine Emaz en hommage à son grand-père ébéniste. On lave là son écriture de tout le cambouis qui l’accompagnait. Il s’agit pour Antoine Emaz d’impersonnaliser, d’« anonymer assez » son poème de façon à ce que « chacun puisse se reconnaître, et personne. Aucun, puis chacun », selon les mots de Georges Perros.

ces chemins à inventer

Ces deux livres vont l’amble. Ils laissent au lecteur grande liberté pour en révéler les sens possibles, ces chemins à inventer à même les livres. Ainsi on pourra lire les notes de Cambouis à la diable, à sauts et à gambades, comme disait Montaigne, et regrouper au contraire les 6 poèmes de « Trop » ou les 6 de « Corde » par exemple pour mieux voir à l’oeuvre ces « forces motrices » dont nous parlions plus haut et qui battent toujours sous la peau des poèmes. Peau comme Cambouis, ces mots disent la surface. Celle qui exige que l’on s’arrête, que l’on regarde attentivement si l’on veut saisir la profondeur. C’est un conseil qu’Antoine Emaz se donne à lui-même. Qui ne le ferait sien ?

Alain Freixe 

 

http://www.humanite.fr/2009-08-20_Cultures_Les-forces-motrices-d-Antoine-Emaz


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Borgès n'a pas participé au colloque, mais notre tragique destinée lui a réservé d'autres occasions de se ridiculiser.
Il a en effet enfourché son aéroplane et, accompagné de sa mère, doña Leonor, s'est rendu en Europe pour y conquérir cette Toison d'Or qui s'appelle le Nobel. C'est la seule et unique raison qui a poussé cet homme de plus de soixante ans, presque totalement aveugle, et cette petite vieille qui ne compte pas moins de quatre-vingt-sept printemps, à voltiger en avion-fusée de Madrid à Paris, à Genève, à Londres - de conférences en banquets, en festins - pour que la presse en parle et que la machine se mette en branle. Le reste, je suppose, c'est l'affaire de Victoria Ocampo ("j'ai mis plus de millions dans la littérature que Bernard Shaw n'en a tiré").
Il paraît qu'un député au parlement argentin a voulu déposer une motion pour que la chambre des députés sollicite lors d'une session solennelle l'Académie des Lettres suédoise de décerner le prix à Borgès (tant ils convoitent ce Nobel qu'ils n'ont pas encore décroché). Heureusement, on l'en a dissuadé au dernier moment.
Borgès n'en a pas moins enfourché son aéroplane. En voilà encore un transformé en commis voyageur. Encore un qui vient renforcer l'équipe nationale de football pour ce grand match international... Pourvu qu'il ne fasse pas figure de ballon plus que de gardien de but !
Quel pathétique spectacle que ce solitaire aveugle, avec sa mère de près de quatre-vingt-dix ans, embringués dans ces loopings d'aéroplane... Le pire, c'est qu'il s'y prête, je ne sais trop comment... Et je ne doute pas qu'il recevra le Nobel. Hélas, hélas... oui, on dirait qu'il est fait précisément pour cela. Si quelqu'un doit l'avoir, c'est bien Borgès ! Une littérature pour littéraires, spécialement écrite, dirait-on, pour les membres du jury, un candidat sur mesure, abstrait, scolastique, métaphysicien, suffisamment peu original pour trouver le chemin déjà frayé, suffisamment original dans son manque d'originalité pour faire figure de nouvelle, et même inventive variante de quelque chose de connu et de reconnu. Ce maître queux est aux petits oignons ! Une vraie cuisine pour les gourmets !
Je ne doute pas non plus que les conférences de Borgès "sur l'essence de la métaphore" et autres thèmes de ce genre ne soient fêtées comme il sied. C'est exactement ce qui convient : feux d'artifice glacés, bouquets lumineux d'une intelligence intelligemment intelligente, pirouettes d'une pensée rhétoriqueuse et morte, incapable de concevoir la moindre idée vitale, pensée qui se désintéresse d'ailleurs totalement de la réflexion "véritable", pensée sciemment fictive, traçant en marge ses arabesques, ses gloses, ses exégèses, et donc purement ornementale. Sans doute, mais quel métier ! Littérairement, c'est impeccable ! Quel maître queux ! Qu'est-ce qui peut provoquer plus d'enthousiasme chez des littéraires pur sang que ce littérateur exsangue, littéraire, homme de verbe qui ne voit pas, qui ne voit rien en dehors de ses combinaisons cérébrales ?
On pense à son propos à ces fiches que l'on insère dans les automates pour qu'ils se mettent à tourner et gambader en cadence... Si la grandeur de la littérature se mesure à son caractère non littéraire, à son pouvoir de se dépasser elle-même pour atteindre la réalité, il faut avouer que ce genre de grandeur n'est pas ce qui peut troubler Borgès dans ses laborieux efforts. Oh, d'ailleurs ce n'est pas Borgès qui m'irrite, j'arriverais à peu près à m'entendre, en tête-à-tête, avec lui et avec son oeuvre... non, ce sont les borgésiens qui m'agacent, ce bataillon d'esthètes, de ciseleurs, d'experts, d'initiés, d'horlogers, de métaphysiciens, de raisonneurs, de gourmets... Ce pur artiste a la déplaisante faculté de mobiliser autour de lui tout ce qu'il y a de plus piètre et emasculé ! 

Gombrowicz 의 일기중.. 1959-1969



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페르디두르케
비톨트 곰브로비치 지음, 윤진 옮김 / 민음사 / 2004년 5월
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포르노그라피아
비톨트 곰브로비치 지음, 임미경 옮김 / 민음사 / 2004년 5월
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