" Faire passer " est l’expression forte : ailleurs,

 Deleuze dit " fuir ", " faire fuir ". Organiser les

 conditions de l’écoulement, des fluctuations.

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Le vrai marcheur, on le sait, ne marche pas

d’aller ici ou là. Le vrai marcheur marche pour

marcher. Chaque pas, un absolu. A chaque fois

risquer le déséquilibre, inventer les conditions

d’un équilibre précaire, rejoué au pas suivant.

Dans la marche, on est toujours au milieu du

segment. C’est pourquoi l’écriture et elle sont si

semblables. On prendrait, dit encore Deleuze,

 " les choses là où elles poussent, par le milieu :

 fendre les choses, fendre les mots. On ne

rechercherait pas l’éternel, même si c’était

l’éternité du temps, mais la formation du

nouveau, l’émergence, ou ce que Foucault

appelle l’actualité. " (Pourparlers, 119)


" Pendant qu’on tourne en rond dans ces questions, il y a

 des devenirs qui opèrent en silence. " (Dialogues, 8)

들뤼즈 인용문 발췌

 


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Pascal Quignard : la voix du silence

Alexandre Eyries

 

 


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Dans dieu, qui a commencé, placé le ciel...»
Le passage d'une langue à l'autre est une négociation. Démonstration par Umberto Eco, exemples à l'appui.
Par Robert MAGGIORI


QUOTIDIEN : jeudi 20 septembre 2007 리베라시옹
Umberto Eco Dire presque la même chose. Expériences de traduction Traduit de l'italien par Myriem Bouzaher. Grasset, 464 pp., 22,50 Euros.


Franchement, pour indiquer qu'il est difficile à un riche d'entrer dans le Royaume des cieux, a-t-on idée de parler du chas d'une aiguille dans lequel entre mal un... chameau ? Un chameau ! Même pour une parabole, on pourrait penser à un trop gros fil, à une grosse ficelle, un cordon, un tortis de chanvre, une drosse, un passement ! Quel chameau a jamais tenté d'entrer dans le trou d'une aiguille ? Probablement, en passant de l'araméen au grec, les traducteurs de l'évangile de Matthieu, trompés par une homophonie, ont dû prendre des vessies pour des lanternes. Des erreurs de traduction, il y en a dans tout texte, que ce soit la Bible, un poème, un document officiel ou le mode d'emploi d'un appareil électroménager. Heureusement, aujourd'hui, on dispose de systèmes de traduction automatique ­ par exemple Babelfish, que propose Altavista sur Internet ­ qui, n'ayant guère d'état d'âme et n'étant pas victimes de chutes d'attention, redonnent confiance. Faisons traduire en italien, en français puis de nouveau en anglais, deux expressions anglaises simples, The Works of Shakespeare et Studies in the logic of Charles Sanders Peirce . On obtient : Gli impianti di Shakespeare , Les installations de Shakespeare , The Shakespeare installations , puis Studi nella logica delle sabbiatrici [sableuses] del Charles , Etudes dans la logique du Peirce des sabbiatrici du Charles et Studies in the logic of the Peirce of the sabbiatrici of the Charles . Aïe ! Mais peut-être Altavista s'en sort-il mieux avec des textes universellement connus. Soit le début de la Genèse , dans une traduction anglaise : In the beginning God creates the heaven and the earth. And the earth was without form, and void ; and the darkness was upon the face of the deep. And the Spirit of God... En espagnol, cela devient : En el dios que commenzaba creó el cielo y la tierra y la tierra estaban sin forma ; y la oscuridad estaba sobre la cara del profundo. Y el alcohol del dios... En allemand : Im Gott, der anfing, stellte den Himmel und die Masse und die Masse war ohne Formular und emptiness her ; und die Dunkelheit war auf dem Gesicht vom tiefen. Und der Spiritus des Gottes... En français : Dans dieu, qui a commencé, placé le ciel et la masse et la masse était sans forme et il y a vide ; et l'obscurité était sur le visage du profond. Et les essences minérales de Dieu... 
«Altavista possède évidemment des instructions sur les correspondances de terme à terme (et peut-être de structure syntaxique à structure syntaxique) entre deux ou plusieurs langues» , mais il n'a ni dictionnaire onomastique, qui lui eût fait comprendre que le philosophe américain Peirce se prénomme Charles Sanders, ni de dictionnaire «contenant ce que l'on appelle en sémantique des "sélections contextuelles"» , d'où il aurait tiré que works peut signifier installations dans un contexte technologique mais non dans le contexte littéraire auquel renvoie le nom de Shakespeare.
C'est au début de son nouveau livre (1), Dire presque la même chose , qu'Umberto Eco s'amuse à citer les avatars de la traduction automatique, pour poser son idée de base, à savoir «la traduction ne se produit pas entre systèmes, mais bien entre textes» , et que, même si l'on disposait d'instructions permettant une «désambiguïsation contextuelle» , elle exigerait que l'on tînt compte aussi de ce qui est «en dehors du texte» , à savoir une «information sur le monde» (réel ou possible). L'ouvrage réunit, et amplifie, une série de conférences et de séminaires tenus par le sémiologue italien à Oxford, à Toronto ou dans «son» université de Bologne, et intègre les thèses sur la traduction ­ le plus souvent interlinguale (Jakobson), d'une langue naturelle à une autre, mais aussi, parfois, intersémiotique , d'un code à un autre (d'un roman à un film, d'un film à une bande dessinée, d'un tableau à un poème...) ­ développées dans ses autres travaux, comme Lector in fubula , Kant et l'Ornithorynque ou la Recherche de la langue parfaite . Comme d'habitude, «Il Professore» garde le «ton de conversation» qu'il affectionne, et son brio, grâce auquel il parvient, avec humour souvent, à rendre clairs les problèmes théoriques les plus épineux.
Dire presque la même chose n'est pas un traité de traductologie, mais livre, comme l'indique son sous-titre, des «expériences de traduction», celles, principalement, qu'Eco a faites lui-même, comme... détenteur d'une chaire de sémiotique, dont le métier est quand même d'étudier les divers langages et la signification, comme traducteur (des Exercices de Style de Queneau ou de Sylvie de Gérard de Nerval), comme directeur de collection qui dans une maison d'édition contrôle les traductions des autres, comme analyste de «cas particuliers» de traductions littéraires ( Dedalus de James Joyce traduit par Pavese, Anna Livia Plurabelle , chapitre de Finnegans Wake , traduit en italien par Joyce lui-même, avec Nino Franck, ou en français par Samuel Beckett et d'autres, avec la collaboration de Joyce...), comme auteur d'essais et d'oeuvres narratives ( le Nom de la rose , le Pendule de Foucault ...) traduits dans un nombre incroyable de langues, dont le souci a toujours été de travailler en étroite collaboration avec ses traducteurs... Autrement dit, Eco, dans ce livre, aborde un grand nombre de problèmes théoriques ­ en se référant à ses «pères» (ou pairs), Peirce avant tout, mais aussi Jakobson, Humboldt, Gadamer ou Hjelmslev ­ sans chercher à proposer une «théorie de la traduction systématique (d'où les références moins nombreuses à Freidrich Schleiermacher, Peeter Torop, Youri Lotman, Friedmar Apel, James Holmes ou Antoine Berman), mais en partant toujours de questions pratiques, d'exemples. Il voit par exemple «sur pièces» comment ses propres textes ont été traduits ( «cela pouvait m'exposer à deux écueils, le narcissisme et la certitude que mon interprétation de mes textes l'emporte sur celle des autres lecteurs, parmi lesquels, in primis , mes traducteurs» , mais...), analyse les traductions de Baudelaire, Eliot, Dante, Mallarmé, Joyce, Dumas, Leopardi, Nerval, Haroldo de Campos, Poe, Queneau ou Melville, compare, souligne les difficultés, montre les possibilités alternatives, les impossibilités, les pertes de sens ou les ajouts dus et indus...
Traduire signifie «comprendre le système intérieur d'une langue et la structure d'un texte donné dans cette langue, et construire un double du système textuel qui, sous une certaine description , puisse produire des effets analogues chez le lecteur, tant sur le plan sémantique et syntaxique que sur le plan stylistique, métrique, phonosymbolique, et quant aux effets passionnels auxquels le texte source tendait» . Sous une certaine description... Toute la difficulté est là. Cela ne signifie pas que toute traduction est impossible, mais qu'il est possible de dire presque la même chose, en tentant de faire que ce presque soit le plus infime possible, c'est-à-dire ­ là est le concept clef du livre ­ qu'il résulte d'une négociation quant aux «pertes et compensations» du sens, d'un «processus selon lequel, pour obtenir quelque chose, on renonce à quelque chose d'autre, et d'où, au final, les parties en jeu sortent avec un sentiment de satisfaction raisonnable et réciproque» . Les cas où cette négociation échoue sont assez rares. Mais même des phrases banales peuvent l'arrêter. Si M. Bianchi, expliquant à son directeur pourquoi son collègue Rossi s'absente l'après midi, lui dit : «Va a casa sua e fa l'amore con sua moglie» ­ il prononce une phrase qu'hors de tout contexte on ne peut traduire ni en français, ni en allemand, ni en anglais. Un traducteur automatique, ignorant que Bianchi vouvoie son directeur, n'aurait aucune hésitation : «Il va chez lui et fait l'amour avec sa femme» . Ce qui évite des drames : «Il va chez vous et fait l'amour avec votre femme.» 
(1) Le 2 octobre, paraît également, dirigée par Umberto Eco, une «Histoire de la laideur», ouvrage richement illustré, traduit par Myriem Bouzaher (italien) et François Rosso (grec, latin), Flammarion, 454 pp., 39,90 Euros.

Comment traduire ?


umberto-eco-traduction-biffures.jpgDès les premières pages de son essai, Umberto Eco rappelle une évidence capitale : pour gloser sur la traduction, il faut avant tout la pratiquer. L’auteur évite bien entendu de reprendre une dichotomie facile entre les praticiens et les théoriciens, entre ceux qui savent faire et ceux qui spéculent naïvement ; il refuse simplement toute systématisation de la traduction. Comme le précise le sous-titre de l’essai, nous avons ici à faire à une somme d’« expériences de traduction ». Et gare à ceux qui verraient dans ce parcours une énième tentative pour résoudre les ambiguïtés de la traduction. Dans son essence même, la traduction oppose ou pose en vis-à-vis deux textes qui disent presque la même chose. L’ambiguïté doit donc demeurer.

Dans le passage d’une langue à une autre, quelque chose se perd ou s’ajoute, s’altère ou se bonifie, quelque chose qui crée le décalage pour reprendre une formule sportive. Bien sûr, l’idéal du traducteur est de rendre le texte original dans sa plus parfaite transparence, de donner « l’équivalence de signifiés d’une langue à une autre » comme l’écrit Eco. Et ce avec le moins de décalage possible, sans la barrière de la langue, « entre les langues » serait plus juste.

Translatio studii


altavista-pour-biffures.gifLes expériences d’Umberto Eco l’amènent à stigmatiser les traductions les plus éloignées de l’original. Il prend notamment l’exemple d’Altavista, célèbre système de traduction automatique sur Internet, dont la version anglaise des « Chats » de Baudelaire est plus précisément étudiée. Pour Eco, les erreurs de traduction, tout comme les fautes de français des jeunes collégiens, sont instructives ; elles nous apprennent à nous méfier d’une traduction littérale, soucieuse du simple enchaînement de mots et de quelques règles élémentaires de syntaxe. Altavista, mais cela vaut aussi pour d’autres systèmes de traduction littérale, apparaît trop démuni, « dépourvu notamment des plus évidentes sélections contextuelles ». L’auteur le souligne plus loin : « une traduction ne concerne pas seulement un passage entre deux langues, mais entre deux cultures, ou deux encyclopédies ». Dès lors le traducteur ne peut plus apparaître comme un simple technicien, exécuteur de tâches ingrates, mais comme un érudit au passage de frontières. Tout un univers culturel sous-tend le texte original, autrement dit le traducteur doit faire sentir ce que l’auteur qu’il traduit a lui-même traduit dans son œuvre : « Ainsi la pratique de la traduction offre une bonne pierre de touche pour reconnaître la présence de renvoi intertextuel dans un texte », conclue Eco.

Le pacte de haute fidélité


umberto-eco.jpgMalgré ce travail d’interprétation essentiel à l’élaboration d’une bonne traduction, Umberto Eco limite les pouvoirs du traducteur. Plutôt que de gommer les imperfections de l’œuvre originale, ou de supprimer certaines tournures redondantes, le traducteur doit respecter le dit de l’auteur. Le pacte est quasi juridique dans la bouche d’Eco. Sans cette prudence intellectuelle, la traduction risque de se rapprocher de trop d’une herméneutique. Se conformer au texte à traduire, c’est s’obliger à respecter la pauvreté lexicale de Nerval dans le passage à l’italien (Umberto Eco est connu pour avoir traduit Sylvie notamment), c’est aussi et surtout plus généralement accepter quelques frustrations autorisées par ce pacte de fidélité.
Au final, les expériences d’Umberto Eco disent bien la complexité du métier de traducteur. Les confrontations entre différentes versions italiennes de Sylvie, l’originalité de certaines traductions qui améliorent le texte original (Le Cyrano de Bergerac traduit en italien par Mario Giobbe) et les divers débats retranscrits dans cet essai donnent à la traduction un caractère vivant. Mais attention ! La lecture de Dire presque la même chose ne sera d’aucun secours pour apprendre à traduire. Nous le disions en préambule, c’est en traduisant qu’on devient traducteur.

Simon DAIREAUX

 


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Présentation de l'éditeur
" Supposons que dans un roman anglais, un personnage dise it's raining cars and dogs. Le traducteur qui, pensant dire la même chose, traduirait littéralement par il pleut des chats et des chiens serait stupide. On le traduira par il pleut à torrents ou il pleut des cordes. " Dire presque la même chose n'est pas un essai théorique sur la traduction, mais une illustration des problèmes que pose la traduction à travers des exemples qu'Umberto Eco a vécus : en tant qu'éditeur, en tant qu'auteur, en tant que traducteur. Ce sont ces trois éclairages que nous retrouvons dans un ouvrage qui fourmille d'exemples. Nul besoin de maîtriser les langues citées pour comprendre, puisqu'on est toujours dans la comparaison. Umberto Eco nous enseigne que la fidélité n'est pas la reprise du mot à mot mais du monde à monde. Les mots ouvrent des mondes et le traducteur doit ouvrir le même monde que celui que l'auteur a ouvert, fût-ce avec des mots différents. Les traducteurs ne sont pas des peseurs de mots, mais des peseurs d'âme. Dans ce passage d'un monde à l'autre, tout est affaire de négociation. Le mot est lâché : un bon traducteur sait négocier avec les exigences du monde de départ pour déboucher sur un monde d'arrivée le plus fidèle possible, non pas à la lettre mais à l'esprit. Tout est donc dans le presque du titre.

Biographie de l'auteur
Né dans le Piémont en 1932, titulaire de la chaire de sémiotique de l'Université de Bologne, Umberto Eco a enseigné à Paris au Collège de France ainsi qu'à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm. Il est l auteur de cinq romans : Le nom de la rose, Le pendule de Foucault, L'île du jour d'avant, Baudolino et La mystérieuse flamme de la reine Loana, et de nombreux essais dont Comment voyager avec un saumon et A reculons comme une écrevisse.

  • Broché: 460 pages
  • Editeur : Grasset & Fasquelle (13 septembre 2007)
  • Langue : Français

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    Umberto Eco
    Histoire de la laideur
    Traduit de l'italien par Myriem Bouzaher
    Flammarion
    Octobre 07
    39,90 € / 456 pp.


    Suite de L’histoire de la beauté, vendu à 500 000 exemplaires, L’histoire de la laideur analyse de l’antiquité à nos jours l’évolution du goût occidental. Umberto Ecco a réuni des textes, des reproductions d'œuvres d’art qui donnent à voir la laideur, l’horreur, le macabre en 15 chapitres thématiques.
    Le laid comme une erreur de la nature, symbolisant le mal moral ou le grotesque est dans un premier temps l’apanage des créatures maléfiques de l’Antiquité. Les corps mythologiques des sirènes, de Cerbère, des harpies, des silènes inspirent un sentiment de répulsion face à la beauté lisse des héros.
    De l’antiquité à l’art contemporain en passant par l’imagerie populaire, la laideur fait office de catalyseur. La laideur participe à l’harmonie de l’univers. En contrepoint à la perfection, elle lui donne tout son sens.
    La représentation du Christ en croix, être en souffrance, fait intervenir la laideur dans l’iconographie religieuse, accentuée par la représentation du diable et du mal qu’il symbolise.
    « L’introduction de la laideur et de la souffrance dans les célébrations du divin a encouragé d’autres types de laideur exaspérés à des fins moralistes et dévotionnelles des images de la mort, de l’enfer, du diable et du péché à celles de la souffrance des martyrs. »
    Les tableaux de Bosch, Brueghel mettent en scène la laideur grotesque tandis que les monstres peuplent l’imaginaire médiéval et témoignent d’une attirance pour  les terres inexplorées.
    Umberto Eco livre un ouvrage iconographiquement riche à lire néanmoins avec parcimonie. Les thématiques se répètent et le concept semble s’évanouir au contact des exemples disparates. Il est à regretter que pour le XXe siècle, les représentations choisies soient si peu nombreuses.
    « Aucune conscience de la relativité des valeurs esthétiques n’élimine le fait qu’en ce cas, nous reconnaissons sans hésiter la laideur et que nous n’arrivons pas à la transformer en objet de plaisir. Alors on comprend pourquoi l’art au cours des siècles est revenu avec tant d’insistance sur la représentation de la laideur. »

    Alexandra Morardet

    arte.tv발췌

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    Présentation de l'éditeur
    En apparence, beauté et laideur sont deux concepts qui s'impliquent mutuellement, et l'on comprend généralement la laideur comme l'inverse de la beauté, si bien qu'il suffirait de définir l'une pour savoir ce qu'est l'autre. Mais les différentes manifestations du laid au fil des siècles s'avèrent plus riches et plus imprévisibles qu'on ne croit. Or voici que les extraits d'anthologie ainsi que les extraordinaires illustrations de ce livre nous emmènent dans un voyage surprenant entre les cauchemars, les terreurs et les amours de près de trois mille ans d'histoire, où la répulsion va de pair avec de touchants mouvements de compassion, et où le refus de la difformité s'accompagne d'un enthousiasme décadent pour les violations les plus séduisantes des canons classiques. Entre démons, monstres, ennemis terribles et présences dérangeantes, entre abysses répugnants et difformités qui frôlent le sublime, freaks et morts-vivants, on découvre une veine iconographique immense et souvent insoupçonnée. Si bien que, en trouvant côte à côte dans ces pages laideur naturelle, laideur spirituelle, asymétrie, dissonance, défiguration, et mesquin, lâche, vil, banal, fortuit, arbitraire, vulgaire, répugnant, maladroit, hideux, fade, écœurant, criminel, spectral, sorcier, satanique, repoussant, dégueulasse, dégradant, grotesque, abominable, odieux, indécent, immonde, sale, obscène, épouvantable, terrible, terrifiant, révoltant, repoussant, dégoûtant, nauséabond, fétide, ignoble, disgracieux et déplaisant, le premier éditeur étranger qui a vu cette œuvre s'est exclamé : " Que la laideur est belle ! "

    Biographie de l'auteur
    Sémiologue et écrivain, Umberto Eco est né en 1932 à Alexandrie (Piémont). En plus d'une intense activité de chercheur, il a publié en 1980 son premier roman, Le Nom de la rose (prix Strega 1981 et, prix Médicis étranger), puis Le Pendule de Foucault (1988), L'Ile du jour d'avant (1998), Baudolino (2001) et La Mystérieuse Flamme de la reine Loana (2006). Ses livres sont traduits dans de nombreux pays. En 2004, il a dirigé l'édition de l'Histoire de la beauté.

    아마존.fr발췌

     

     

     

     

     



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    2007년 9월27일자 르몽드기사

    Doris Lessing : "Le temps qu'il faut pour apprendre..."

    Elle a toujours ce regard aigu et lumineux, qui peut devenir en une seconde ironique et distant. Une bienveillance singulière, mais la fermeté de ceux qui refusent les compromis, les à-peu-près. Sa silhouette s'est légèrement tassée, elle a perdu quelques centimètres, mais Doris Lessing, 88 ans dans trois semaines, le 22 octobre, n'a jamais été vieille et n'est pas menacée de l'être. Sa combativité est intacte. Son humour aussi.

    Ecrivain magnifique, auteur d'une cinquantaine de livres, cent fois citée pour le Nobel, elle est toujours passée à côté de ce prix plus politique que littéraire. Trop libre, trop indépendante, trop insolente... Cela la fait rire. Ses déclarations sur le Zimbabwe - elle a longtemps vécu, enfant et jeune femme, dans ce qui était alors la Rhodésie, avant de s'installer en Angleterre - et "la complaisance de tous les leaders africains à l'égard de Mugabe" ont-elles choqué ? "Certes", mais elle "n'aime pas la langue de bois". A-t-elle a eu la dent trop dure avec Tony Blair ? "C'est un petit homme, à tous les sens du mot." La politique française, la récente élection présidentielle ? "Je ne sais pas. Il se pourrait que ce soit aussi un petit homme."
    Il faut s'y faire, Doris Lessing ne sera jamais "politiquement correcte", s'attaquant sans relâche à "ceux qui ont besoin de rigidité, de dogmes", qui sont "toujours les plus stupides" et ont mis en place "la plus puissante tyrannie des esprits dans ce qu'on appelle le monde libre" (1).

    Elle redit tout cela avec un oeil moqueur, et un certain sourire féroce, qu'elle garde pour réitérer ses critiques contre les féministes - ses attaques contre "ces femmes devenues horribles avec les hommes", au festival du livre d'Edimbourg en 2001, avaient déclenché des débats, abondamment relayés dans la presse britannique, européenne et américaine (Le Monde du 11 septembre 2001). Des réactions d'autant plus violentes que dans les années 1960 et 1970, après la publication du Carnet d'or, Doris Lessing était devenue, "mais sans l'avoir jamais voulu", une icône du féminisme mondial. "Je maintiens ma position. Après avoir fait une révolution, beaucoup de femmes se sont fourvoyées, n'ont en fait rien compris. Par dogmatisme. Par absence d'analyse historique. Par renoncement à la pensée. Par manque dramatique d'humour."

    Un manque qu'elle ne connaît pas. Et bien qu'elle ait dit, avec sa férocité humoristique, dans sa passionnante autobiographie, La Marche dans l'ombre (2) tout le mal qu'elle pensait de la manière dont on humilie les écrivains en les entraînant dans des tournées promotionnelles, à la rencontre de journalistes qui n'ont même pas lu leurs livres, la voilà à Paris, pour une semaine de septembre, regardant avec amusement le programme marathon qu'on a organisé pour elle, au moment de la sortie d'Un enfant de l'amour. "C'est un récit tiré d'un volume qui en comprend quatre, dont Les Grands-mères, publié ici il y a deux ans, et qui a plu au public français. Mais on peut en effet lire ces textes séparément."

    C'est surtout de son autobiographie lucide qu'on attendrait la suite. "Il n'y en aura pas. J'ai entamé cette entreprise autobiographique en partie pour apporter un contrepoint à toutes les sottises biographiques qu'on écrit le plus souvent sur les écrivains. En outre, les biographies, même réussies, mettent ceux qui en sont l'objet dans un malaise, car ce qu'ils ont expérimenté comme fluide, fugace, devient fixe, rigide, sans vie. Toutefois, je ne peux pas parler des années 1960 et 1970, les gens que j'ai fréquentés sont toujours mes contemporains, je ne peux pas les impliquer dans mon récit. J'ai évoqué la vie dans les années 1960 dans un roman, Le Rêve le plus doux (3). Je m'en tiendrai à la fiction. Et, comme je l'ai déjà écrit, au fond, la vraie vie d'un écrivain ne peut être comprise que par un autre écrivain." "J'ai beaucoup appris sur moi-même en écrivant mon autobiographie, y compris en découvrant comment les souvenirs peuvent être douteux. J'en ai parlé dans un court essai publié voilà quelques années (4). J'y relevais qu'à la fin de son existence, Goethe, l'un des hommes les plus cultivés de son temps, disait qu'il venait à peine d'apprendre à lire. Le temps qu'il faut pour apprendre... Je me suis aperçue que je n'avais pas assez réfléchi aux différences entre biographies, autobiographies, et romans, pas seulement autobiographiques. Qu'il fallait aller plus loin dans la question de la mémoire, comme dans celle de l'identité."

    Ayant renoncé aux confidences biographiques, Doris Lessing est en revanche intarissable sur le bonheur de la fiction. "Prenez Les Grands-mères, cette histoire de deux amies, chacune ayant une liaison amoureuse avec le fils de l'autre. On y a vu mon goût de la provocation. Je me suis inspirée du récit que m'avait fait un ami d'un des deux jeunes hommes. C'était vrai, ces amours improbables et nécessairement contrariées. Je ne peux pas imaginer qu'un écrivain, entendant cela, renonce à se saisir d'un tel sujet. Dans Un enfant de l'amour, j'ai voulu faire un portrait précis d'un jeune homme à mes yeux typiquement britannique, romantique. Les hommes anglais sont tellement romantiques..."

    "Essayer de comprendre ce qui est en jeu, à tout moment, c'est cela qui est passionnant pour un écrivain et qu'il faut, à chaque fois, mettre en oeuvre." Pour son dernier livre, The Cleft ("La Fente"), paru au début de 2007 en anglais (5), Doris Lessing est "partie d'un constat lu dans une publication scientifique, affirmant que les femmes étaient le matériau humain de base, et que les hommes étaient apparus plus tard." Une réinvention de la Genèse, avec le sens de la fable et du fantastique qu'on lui connaît ? A coup sûr, une manière d'illustrer une fois de plus ce commentaire d'une autre intellectuelle britannique, Margaret Drabble : "Doris Lessing est l'une des très rares romancières qui ont refusé de croire que le monde était trop complexe pour être compris." "J'aurais mauvaise grâce à ne pas aimer ces propos sur moi, relève seulement Doris Lessing, et il est vrai que je refuse de ne pas comprendre, de ne pas savoir."
    Serait-ce la raison de la dureté avec laquelle elle a souvent été traitée par la critique ? La réception de The Cleft dans la presse anglophone est aussi très partagée. D'un côté ceux qui placent Doris Lessing "au panthéon, avec Balzac et George Eliot", soulignent "l'extraordinaire acuité de ses sensations", "la subtilité de ses sentiments, de son attention particulière pour la vulnérabilité de la jeunesse et de la vieillesse, et sa manière unique, si belle, de décrire au plus juste les relations humaines", et pour qui "elle change notre manière de voir le monde". D'un autre, ceux qui l'accusent de ne "plus chercher qu'à semer le trouble et l'épouvante chez ses lecteurs, en ayant abîmé sa splendide intelligence, depuis le début des années 1980, dans des romans qui propagent la confusion". "Vous savez, le communisme est mort, dit-elle tranquillement, en sachant qu'elle cultive son art de déplaire, mais beaucoup de critiques littéraires, une majorité peut-être même, ont toujours une structure de pensée communiste. J'ai été jadis communiste, je sais de quoi je parle."
    Elle le fait savoir clairement : si l'on vient la voir "en évitant d'avoir lu", en attendant un discours pacifique, voire consensuel, de la part d'une femme qui, ayant accompli sa vie et son oeuvre, ferait preuve d'un certain détachement... on s'est trompé d'adresse, et l'on retient généralement de cette rencontre des propos peu amènes. Le dossier de presse de Doris Lessing, dans toutes les langues, est une assez belle encyclopédie de la polémique, de l'affrontement entre conformisme et liberté d'esprit comme de parole. "Je n'ai jamais pu me contraindre à répondre à des questions stupides, sans dire à quel point je les trouve stupides." Pour vraiment entendre Doris Lessing, comme pour la lire, il faut ne pas craindre les paradoxes, la complexité, il faut aimer les femmes qui savent "penser contre". Alors, on reste confondu d'admiration devant cette rebelle inaltérable et joyeuse.



    (1) "Censures", un texte de Doris Lessing sur ce sujet, a été publié dans la revue L'Infini, n° 92 (Gallimard). Voir "Le Monde des livres" du 16 septembre 2005.
    (2) Les deux volumes de son autobiographie, Dans ma peau, sur ses années d'enfance et de jeunesse, et La Marche dans l'ombre, autobiographie 1949-1962, sont dans le Livre de poche (n° 14114 et 15068).
    (3) Flammarion, 2004.
    (4) Ce bref essai, "Ecrire (son) autobiographie", qui fait partie du recueil Time Bites (HarperCollins 2004), paraît en français dans le numéro d'automne de la revue L'Infini, n° 100 (Gallimard), traduit par Isabelle D. Philippe.
    (5) The Cleft, de Doris Lessing. Ed. Fourth Estate, 260 p., 16,99 €.

     

     

     

     


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