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Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard :


le je(u)des noms et le sens d'un échange 

 Par Matthieu LE BIHAN, et Stéphane HEAS
Membre et président de l'Association de Recherches sur l'Individualisation Symbolique (ARIS) Chercheurs et sociologues à l'Université de Rennes 2, Laboratoire d'Anthropologie et de Sociologie (LAS), Equipe d'Accueil 2241.

A la mémoire de Pierre Bourdieu

« Je le dis à mes étudiants depuis maintenant dix ans, plus que ça, vous êtes maintenant comme les artistes il y a une vingtaine d'années, ou vous avez une fortune par votre papa, ou alors vous avez une femme qui travaille pour vous, enfin bref, on peut plus être… les sociologues c'est devenu comme ça, à moins de faire une sociologie de service, si vous faîtes une sociologie qui répond à la demande sociale, à la demande dominante, à ce moment là vous pouvez à peu près vivre, d'abord vous avez des postes au Cnrs, et même des crédits, mais si vous voulez faire de la sociologie…de la sociologie tout court, de la sociologie rigoureuse, il faut savoir que vous êtes comme un artiste » (Pierre Bourdieu, in Pierre Carles, La sociologie est un sport de combat, Scène de discussion avec une politologue belge)

 

Que se passe-t-il quand un sociologue, aussi reconnu que Pierre Bourdieu, celui qui aura marqué plusieurs générations, rencontre Jean-Luc Godard, le cinéaste ? Par le biais d'un courrier de ce dernier reçu par P.Bourdieu, lors du tournage de La sociologie est sport de combat (un art_ martial certes_ mais un art), nous interrogeons le sens de cet échange.

Nous allons essayer d'expliquer en partie de ce qui a bloqué entre Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard. Nous commencerons par une analyse descriptive relativement détaillée de la scène de l'échange de courrier. Nous relèverons par la suite des éléments qui permettent d'approfondir l'analyse de cet échange qui n'a pas manqué de susciter des réactions dans les journaux ou revues spécialisées. Pierre Carles, le réalisateur, reviendra sur cet évènement. Dans le dernière partie nous proposerons de nous frayer un chemin dans l'inconscient de la rencontre par le biais d'une réflexion sur les jeux de mots auxquels invitent les patronymes des deux hommes qui partagent, nous le verrons, un troublant point commun. En filigrane, il s'agira de penser la place des noms dans une interaction ainsi que dans les parcours biographiques. De manière plus générale, il est question des liens entre le cinéma et la sociologie.

Une des ressemblances entre la sociologie et le cinéma consiste tout d'abord à la forte inscription des deux dans le vingtième siècle. Ensuite à leur place dans une hiérarchie noble de la culture et de la société : l'art donc, et la science. Toutefois, il y a toujours possibilité de remettre en cause l'artisticité du cinéma, là où la peinture ou la musique souffrent moins de tels doutes. Il en est de même pour la scientificité de la sociologie, comparée aux sciences naturelles, ou à la chimie par exemple. 

Jean-Luc Godard a aimé rappeler sa formation d'ethnologue, cite par exemple Marcel Mauss entre deux images. Bourdieu rappelle le mot de Godard : «  Ce n'est pas une image juste, c'est juste une image ». Bourdieu et Godard sont tous deux des noms dans leur métier respectif.

Les deux hommes se rencontrent à l'occasion d'une projection d'un film de Guiguet (1), à la suite duquel est organisé un déjeuner Godard-Bourdieu. L'échange est difficile néanmoins :

‘'«Engageons-nous ensemble ailleurs, sur d'autres terrains», suggérait Bourdieu. «Revenons sans cesse au cinéma, "les Passagers" sont les frères de "la Misère du monde"», insistait en résumé Godard. Pour ceux qui étaient présents autour de cette table, le face-à-face, un jeu matois d'approche curieuse et de coups de patte défensifs, n'en fut pas moins «historique». L'estime et le respect mutuels ne faisaient pas l'ombre d'un doute, mais la trouille réciproque d'être manipulé par l'autre était aussi manifeste.''(2)

Nous allons prendre un biais quelque peu particulier pour discuter des relations entre Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard. Nous ferons comme si Pierre Bourdieu incarnait la sociologie, et comme si Jean-Luc Godard incarnait le cinéma. Il faut croire à cette fiction pour prolonger cette analyse particulière de leur rencontre.

Pierre Carles suit Bourdieu, caméra à la main, dans son quotidien professionnel. Que ce soit à l'université, dans son bureau, avec sa secrétaire ou bien à la radio, en visioconférence (scène inaugurale du film), en conférence en France, à l'étranger. Au passage on remarquera que l'action d'écriture n'est pas filmée. On ne voit pas Bourdieu écrire. Il évoque un moment, lors d'une discussion avec Loïc Wacquant, sa manière d'écrire et ne faire que cela au moment de l'écriture (trois mois), sauf une baignade ou un tennis. On pourrait imaginer un autre film rappelant ce qu'a fait Clouzot avec Picasso. On imagine la caméra sur l'écran d'ordinateur suivant directement l'écriture du sociologue sur l'écran, ou du mouvement du crayon sur le papier, l'homme face à son œuvre. 

Le film de Pierre Carles, La sociologie est un sport de combat , contient une scène qui réunit les deux hommes non pas physiquement comme il est déjà arrivé, mais par le biais d'un courrier de Godard adressé à Bourdieu. Pierre Bourdieu travaille à la correction d'une bibliographie avec sa secrétaire, lorsqu'un messager frappe à la porte et annonce un courrier de Jean-Luc Godard.

La scène est précédée d'une leçon de Bourdieu au Collège de France. Elle prépare d'une certaine manière la scène qui suit. La leçon a en effet pour objet un tableau de Manet. Il s'agit donc de grand art. (Jean-Luc Grandart ?)

Scène Collège de France



Collège de France, vue de dehors. Intérieur, un panneau dans le hall : une flèche en direction de la salle de conférence : « Pr. P. Bourdieu ». Pierre Bourdieu est sur l'estrade, la salle est plongée dans l'obscurité. Une source de lumière qui éclaire les notes sur le bureau du sociologue, et sur sa droite, la projection d'un tableau d'Edouard Manet (1832-1883) qu'il commente, et présente : « _ Alors, euh, Le balcon,alors… 1868, je dis ça pour l'anecdote c'est le premier tableau de peinture que j'ai vu, j'étais tout p'tit (vous verrez qu'il accompagne ce mot d'un geste d'écartement de son pouce et de son index), dans un numéro de l'Illustration y'avait ce tableau le balcon, qui, qui…m'est resté toujours très cher, je sais pas (presque inaudible). Ca m'avait beaucoup surpris qu'on puisse se représenter le monde comme ça.  »

Poursuite de l'explication : «_ Il (Manet)  se construit contre l'académisme évidemment, se construit contre le romantisme, contre Delacroix qu'il a copié, il se construit contre l'école de la tradition, contre l'impressionnisme, il passe son temps à se démarquer comme on dit en football, mais pas nécessairement dans une logique du' je veux être différent', pas du tout, pas du tout. Il est distingué par surcroît, hein. Bon  ». 

Scène Suivante : la lettre.

Plan sur la bibliothèque du bureau de Pierre Bourdieu : ce sont les livres écrit par lui, dans leurs différentes versions traduites. Das Elend der Weit à côté de La Misère du Monde . Bourdieu corrige une bibliographie avec sa secrétaire. Il manque des auteurs, il n'est pas trop content, finit par en rire avec sa elle. Puis il a une hypothèse qu'on ne saura jamais. Parce que la porte est cognée deux ou trois fois, de coups brefs et secs. La caméra est toujours sur Pierre Bourdieu et sa secrétaire. Ils lèvent la tête tous les deux, mais rien ne laisse présager de l'entrée d'une personne très importante… D'ailleurs Bourdieu finit sa phrase. Mais un nom est annoncé hors champ, de l'endroit, on devine, de la porte ouverte, « Jean-Luc Godard ». Bourdieu : « Ah. ». La caméra passe de Bourdieu au jeune homme qui se rapproche. On pourrait supposer que l'homme est coursier, mais rien ne permet de l'affirmer. Néanmoins, il a l'occasion de passer un mot entre Jean Luc Godard et Pierre Bourdieu. 

«  Merci beaucoup. Y'a pas de réponse à attendre, non  ? »

Le jeune homme : « Je pense pas »

La secrétaire près de lui a porté une feuille à ses lèvres ;

Pierre Carles, qui est proche du micro, et dont la voix surgit fortement : «  De qui c'est ? Jean Luc Godard  ? »

Bourdieu ouvre l'enveloppe marron : «  Bon c'est le grand jeu, hein  ». 

Le grand je (u)



Gros plan sur le visage de Pierre Bourdieu en train de lire, assis maintenant, les feuillets envoyés par Jean Luc Godard.

_ «  C'est mystérieux, hein, comme tout ce qu'il fait . »

Il tourne les feuillets. Il en montre un à la caméra :

_ «  Ah oui ça ce sont les extraits de son film, ça là…euh »

Pierre Carles : «  Histoires du cinéma ? »

Bourdieu, visiblement en difficulté, comme empêtré :

_ «  C'est une histoire avec un ‘ s' (il dessine un s dans l'air) du cinéma » . Puis replonge et fixe les feuillets, longuement ;

« _ Il a un certain talent quand même. »

Fixe à nouveau, plonge et conclu son attention :

« _ Je comprends rien »

Le documentariste rit.

Bourdieu sourit :

« _C'est vrai s'est embêtant.

Non, non, je trouve ça…assez beau, mais je comprends rien ! »

Le documentariste est tordu. Bourdieu rit avec lui, avec retenu cependant.

_«  Et ouais, je suis pas poète, quoi !  »  

Et il se prépare à remettre les feuillets dans leur enveloppe.

Pierre Carles s'est repris :  « c'est vrai que la poésie c'est un autre moyen de percevoir intuitivement, des choses. »

«  Oui, oui, je ne le suspecte pas de dans ce cas là, il veut dire quelque chose,… voilà  » 

Il lit à nouveau pour lui, et commence à expliquer  le contenu des feuillets :

_ «  Oui, c'est un autobus, il y a un autobus sur lequel il y a une affiche My girl, voilà, et il dit  :

‘Je me suis demandé en face de ce document montrant les passagers dans un transport public si nous y voyions bien la même chose et si par conséquence par la suite nous pouvions prétendre essayer de raconter la même histoire,en principe la vraie. Il me semble hélas pour nous et trop de Kossovars en tout genre (inaudible), que non. My girl vous le dira, le rendez vous d'amour de la vérité a été mal préparé, autant en emporte le vent, dira la mauvaise langue.

Et bonne nuit les dormeurs, ce gentilhomme de film dont la majorité d'entre nous n'ont même pas entendu ce que vous appelez défaite, le nom, discours politique.'  »  

Bourdieu relit la dernière phrase :

_« Vous comprenez vous ? »

Carles rit a nouveau :

_ «  Pas vraiment, mais, mais je n'ai pas lu l'intégralité du courrier non plus »

Mais c'est tout, c'est tout, il n'y a rien de plus, vous avez tout lu.

_ En tout cas, il vous sonde hein, si vous ne comprenez la pas même chose en fonction de cette image là, vous ne serez pas en mesure de (inaudible, Bourdieu le coupe)

_ Oui, mais c'est ça, ça j'ai compris, mais après quand il dit…euh…bon, enfin bref » . Il ramasse les feuillets dans leur enveloppe et pendant qu'il remet les feuillets :

Pierre Carles : «  ça reste un dialogue de sourd alors  ».

Bourdieu acquiesce : «  mais dès l'origine  ».

La tête baissée, sur le feuillet, presque triste, bah oui. Puis : « C'est difficile  ». Puis il sourit à nouveau vers Pierre Carles. Il souffle :

_«  Ah pauvre Bourdieu  ».

Le sens d'un échange

L'échange qu'il y pu avoir entre Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard ne manque pas d'interroger les observateurs de la vie culturelle et intellectuelle. L'influence des deux hommes dépassant largement les frontières, qu'elles soient géographiques ou disciplinaires.

Il est difficile de donner du sens à cette rencontre. Les sociologues qui verront le film pourront y trouver un moment exquis. Voilà de quoi méditer sur les « images », de quoi s'interroger sur les frontières entre la sociologie et les autres…champs culturels. Deux grands hommes se rencontrent. C'est une forme de choc. Mais peu de choses passent.

Godard n'est pas dans le film de Pierre Carles. Il y a une trace de Godard, qui est ce courrier faisant échange. Cette lettre dont on ne sait d'ailleurs pas si elle est bien sérieuse, et si Godard n'a pas très maladroitement, et très timidement, essayé de communiquer avec Pierre Bourdieu. C'est une des hypothèses émises par Olivier Séguret, journaliste a Libération.

Celui-ci, a rendu compte de l'intérêt de la rencontre Bourdieu/Godard dans un article du 25 janvier 2002 :

« Dans les mois qui suivirent (leur première rencontre), Godard perpétua le dialogue, envoyant une série de messages politico-poétiques à Bourdieu comme à Libération . C'est une de ces lettres que Bourdieu reçoit dans son bureau du Collège de France au moment où Pierre Carles filme son portrait pour La sociologie est un sport de combat. Beaucoup s'interrogèrent sur le sens de cette scène, dont le montage semblait souligner la moue, entre ambiguïté et ironie, du destinataire. Le courrier des lecteurs des Cahiers du cinéma fut le théâtre de ces interrogations, jusqu'à ce que Pierre Carles lui-même vienne y mettre un terme par ses explications. Evénement clandestin mais bien réel, le choc pacifique des Titans a en effet eu lieu. Laissons-lui ses secrets .  » 

Les explications qui auraient mis un terme au sens de cette rencontre ne peuvent suffire. En effet, Pierres Carles répond au courrier d'une lectrice dans le numéro de novembre 2001 des Cahiers du Cinéma . La lectrice avait écrit, dans le numéro de septembre 2001 :

« Dans le film de Pierre Carles, Pierre Bourdieu reçoit une lettre de Godard qu'il lit devant nous in extenso en mettant les rieurs de son côté et ridiculisant ouvertement JLG.

(…) Dans sa lettre Godard lui fait comprendre qu'un discours politique ne peut pas avoir une vérité mais autant de vérités que d'individus.

L'argumentaire de Godard dans cette lettre est très solide et plein d'ironie. Mais Bourdieu dit en ricanant « je ne comprends rien ! ». Et ajoute « Ah ! Ces poètes !».

Pendant quelques minutes nous sommes témoin d'un flagrant délit de malhonnêteté intellectuelle, habile à se camoufler sous l'innocent visage de l'incompréhension. Un moment qui en dit long sur la vérité de… Pierre Bourdieu.  » 

D'où la réponse de Pierre Carles :

« Dans votre dernier numéro, vous publiez un courrier des lecteurs qui cite de manière erronée un extrait du film la sociologie est un sport de combat que vous n'avez pas néanmoins hésité à titrer : « La malhonnêteté de Bourdieu » !

Votre lectrice, faisant référence à une séquence où Pierre Bourdieu lit à voix haute la lettre que lui a envoyée Jean-Luc Godard, écrit : « L'argumentaire de Godard est très solide et plein d'ironie. Mais Bourdieu dit en ricanant : « je ne comprends rien » et ajoute : « ah ! Ces poètes ! »

Or voici la retranscription exacte du passage :

Pierre Bourdieu : je ne comprends rien (rires). C'est vrai, c'est embêtant. Je trouve ça assez beau mais je ne comprends rien (rires) et oui, je ne suis pas poète, quoi !

Pierre Carles (hors champ) : c'est vrai que la poésie, c'est un autre moyen de percevoir intuitivement les choses…

Pierre Bourdieu : oui, oui, oui, je pense qu'il veut dire quelque chose, je ne le suspecte pas…dans ce cas là, il veut dire quelque chose. »

Ce qui vous en conviendrez, autorise une toute autre interprétation de la séquence que celle que vous publiez. En montant ainsi le film, je n'ai pas dissimulé le fait qu'il existe parfois un fossé d'interprétation entre une approche scientifique de la réalité et le regard poétique comme celui de Jean-Luc Godard. Cela ne veut pas dire pour autant que les travaux de ce dernier aient moins d'intérêt ni de valeur que ceux de Pierre Bourdieu. Ils sont simplement différents. »

Le je(u) de mot, le je(u) des noms

Les personnes sont si complexes, les univers traversés si riches que la comparaison en arrive vite à une aporie difficilement surmontable.

On pourrait rechercher dans les éléments biographiques de Jean-Luc Godard et de Pierre Bourdieu tout ce qui aurait pu contribuer à leur émergence. Ils sont nés tous les deux en 1930. On peut dire aussi jusqu'à une certaine limite que tous les deux grandissent avec leur art. Et tout ce qui a pu en partie contribuer à créer un intérêt réciproque entre les deux hommes.

Pierre Bourdieu est issu d'une famille modeste tandis que Godard naît dans le milieu de la grande bourgeoisie industrielle du côté de sa mère et d'une famille de médecin du côté de son père. Bourdieu est un enfant de la République et de la réussite scolaire, puis universitaire. Godard, enfant surprotégé, écrit dans ses vingt ans ses premiers articles dans des revues d'art, aidé par les relations familiales. A ce titre Godard devait intéresser Bourdieu. Il lui fournissait un exemple vivant de ses réflexions sur l'art, et plus généralement sur les pratiques sociales et l'héritage. Plus fondamentalement, les points de rencontre, et les échanges entre le cinéma et la sociologie sont assez nombreux. Le ‘genre' documentaire par exemple tend à mêler les techniques et les méthodes du cinéma et de la sociologie.

Les rires de Bourdieu lors de la réception du courrier traduisent quelque chose comme un blocage. Olivier Séguret a, avec sans doute justesse, décrit l'approche avec le terme de « jeu de matois ». Qui va venir sur le territoire de l'autre, qui va faire le premier pas ? Le journaliste parle aussi de choc de Titans, comme si ça se passait ailleurs que sur terre, c'est-à-dire dans les hauteurs.

Nous nous posons la questions de l'inconscient de cette rencontre, de ce qui la charge de quelque chose d'à la fois invisible et pesant. Comme nous l'avons dit en début d'article, Bourdieu et Godard sont « des noms » (au sens de « références »). Nous allons voir que Bourdieu et Jean-Luc Godard partagent tous deux la possibilité d'un jeu de mot, que d'ailleurs Jean-Luc Godard, en poète, n'a pas manqué. Jusqu'ici seulement, on n'avait pas noté (sauf certainement de manière indépendante,mais sans faire l'analogie avec le cinéaste) que le sociologue pouvait comme Godard, s'amuser d'un calembour qui ne manque pas d'équivoque.

Et si Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard s'étaient rencontrés pour nous poser la question des croyances entretenues entre la personne et le nom ? Dans une problématique logico-linguistique, c'est la question controversée du caractère signifiant ou non signifiant du nom propre (3). « Il y a une première forme d'identification, celle que l'individu reconnaît que le nom exerce à son propre égard dans l'interpellation : est propre le nom qui fait sursauter son porteur lorsqu'il est proféré en sa présence et suscite une réponse telle que « me voici », ou cette réponse intériorisée « c'est de moi » qu'il s'agit ».

La nomination est l'acte d'insertion dans le monde du symbole. L'individu porte le nom, et l'individu se repose parfois sur le nom. Le sociologue a précisé la cristallisation possible de l'identité personnelle à partir du patronyme (Bourdieu, 1992). Le nom rigidifie en quelque sorte la position sociale de l'individu, elle nivelle la multiplicité des trajectoires possibles à partir d'un même point de départ filial.

Alors Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard, si l'on s'attarde sur le mot, et si les mots ont un sens, ont dû chacun penser, même rapidement, et peut-être même sans trop s'y attarder au risque d'être pris de vertiges, sur les questions religieuses, et sexuelles, auxquelles peuvent faire référence des jeux, peut-être trop grossiers pour n'avoir pas été perçus, de mots sur leurs noms. Nous allons le comprendre plus loin.

Le nom est de l'ordre magique du visage. Il est nous…où il s'y ajuste ; il engage l'individu dans ses interactions quotidiennes, limite ou encourage celles-ci(Le Breton, 1992).

Jean-Luc Godard prit un pseudonyme pour ses premiers articles. Fantaisie plus aisée dans le monde du journalisme, que dans celui de l'université (4). Et Bourdieu a peut-être travaillé par détours l'évocation étrange à laquelle son nom peut appeler. Une histoire de psychanalyse de la société, et d'un Dieu ‘à bourrer', soit, en langage prométhéen, à remplacer. Les Méditations Pascaliennes sont-elles traversées de cette question mystique. Au fait, dit-on bourdieusien, ou bourdivin  ? Croirions nous sérieusement que Bourdieu ne se serait jamais attardé, lui qui aime aussi les mots, et en anthropologue, sur une réflexion sur son nom.

Godard insère, quant à lui, cette question dans un des intertitres des Histoire(s) du Cinéma :



Pierre Bourdieu aurait pu se laisser aller au même jeu :





Voilà peut-être mesurée une part de l'inconscient d'une rencontre. Au risque d'un sacrilège. Quand on s'amuse à dire aux gens à quoi leur nom ou prénom nous fait penser (comme de dire à Marie qu'avec son nom on peut écrire aimer), aux contrepétries, ou jeux de mot qu'ils permettent, ceux-ci s'étonnent souvent, comme s'ils découvraient une partie d'eux même, une facette de l'identité si proche d'eux qu'ils ne l'avaient pas bien perçue : « Ah ! Tiens, c'est vrai, je n'y avait jamais pensé ! ».

Il faudrait sans doute un ouvrage entier pour interpréter le jeu de mot que nous avons mis en avant, et qui offre des pistes de réflexion d'abord sur la place des noms des personnes dans une interaction, d'autre part sur les significations auxquelles elles invitent de manière explicite ou non les individus dans la sculpture et la représentation biographique d'eux-même.

La « jeudemologie » n'est pas une « science exacte », mais la frontière en tre le calembour vain et la poésie de l'agencement des lettres, son heuristicité même, est ténue (5). Nous pourrions prolonger d'ailleurs ces jeux de langage. Pierre Bourdieu et Jean-Luc Godard, ou pour contrepèterie de l'échange, « les yeux et le regard ».

Rim-baud, Bau-delaire, Art-aud, Moz-art, autant d'exemples de patronymes qui permettent une analyse des liens entre le nom et le soi. Et on trouvera des contre exemples. Certaines analyses à visée scientifique déchevêtrent ces liens complexes autour des grandes figures artistiques ou sociologiques (Elias, 1991 ; Heinich, 1999)

Godard a défini la célébrité par le fait qu'elle consiste à entendre et voir son nom se répéter. L'histoire de ces hommes, devenus mythes, a peut-être été en partie d'interroger la coïncidence de leur nom et de leur œuvre, ou de leur vie. Au final, nous savons mal ce que cela veux dire, de « bourrer dieu »,ou d' « enculer god », mais nous savons que deux hommes partageaient cette interrogation.

Notre analyse a pour double ambition de faire rire, ou sourire de la rencontre de ces grands hommes, et de comprendre mieux un échange qui semblait nous échapper. Dans l'infini du savoir, il faut savoir se contenter de miettes.

NOTES
(1) Guiguet, Les passagers
(2) Olivier Séguret, Libération, vendredi 25 janvier 2002
(3) Voir à ce sujet l'article de synthèse dans l'Encyclopédie Universalis.
(4) Les sociologues qui écrivent des romans par exemple ou des poèmes (hum) le font parfois sous le couvert d'un pseudonyme.
(5) Le milieu sportif engage le même type d'analyse avec D.Douillet par exemple, ou P. Gentil pour ne citer que des champions de sports de combat. (Bodin, Héas,Introduction à la sociologie des sports, Paris, Chiron, 2002)

REFERENCES
Becker H., (1988). Les mondes de l'art , Paris, Flammarion.
Becker H., (1999). Propos sur l'art , Paris, L'Harmattan.
Bergala A. (sous la direction de),(1998) Jean-Luc Godard Par Jean-Luc Godard , Paris, Editions des Cahiers du cinéma
Bodin D., Héas S., (2002). Introduction à la sociologie des sports , Paris, Chiron
Bourdieu P., Darbel A., (1966). L'Amour de l'art, les musées et leur public , Paris, Editions de Minuit.
Bourdieu P., (1986) « L'illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 62-63
Elias N., (1991). Mozart, sociologie d'un génie , Paris, Seuil.
Heinich N., (1999). L'épreuve de la grandeur , Paris, La Découverte.
Le Breton D., (1992). Des visages. Essai d'anthropologie, Paris, Métailié.
Séguret O., Le choc sans bruit , Libération, vendredi 25 janvier 2002 

http://www.cadrage.net/dossier/bourdieugodard.htm 



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Pascal Quignard


Prix Goncourt 2002 pour Les ombres errantes, auteur de romans à succès (Tous les matins du monde), d’essais érudits (Le sexe et l'effroi), musicien et scénariste, Pascal Quignard est l'invité de Laure Adler.


Depuis plus de trente ans, Pascal Quignard mène une réflexion originale autour du livre, de la langue et de la musique, puisant ses références moins dans la modernité que dans la culture gréco-latine, orientale et classique. Philosophe de formation, il commence par enseigner à l’université de Vincennes et à l'École pratique des hautes études en sciences sociales. Puis il rejoint le comité de lecture des éditions Gallimard, maison pour laquelle il occupe divers postes liés au service littéraire jusqu'en 1994. Depuis, il se consacre à l'écriture. Il a publié son premier livre, un essai sur Sacher Masoch, à l'âge de 18 ans, mais c'est surtout avec Le salon du Wurtemberg (1986), Les escaliers de Chambord (1989) et Tous les matins du monde (1991) qu'il se fait connaître. En 2000, il reçoit le grand prix de l'Académie française pour Terrasse à Rome alors qu'en 2002, son livre Les ombres errantes, premier tome du projet plus vaste Dernier royaume, est couronné du prix Goncourt.
Avec Laure Adler, Pascal Quignard évoque son parcours d'écrivain, parle de son amour de la lecture, de l'écriture, de son besoin de solitude, de son rapport au succès, à la notoriété, de son attachement à la musique, de ses livres passés (Le sexe et l'effroi, Tous les matins du monde) et de celui qui sort prochainement (Villa Amalia).
 
Biographie
Pascal Quignard est né en 1948 à Verneuil-sur-Avre dans une famille d'enseignants. Il grandit au Havre. Son enfance est difficile, il passe par des périodes d’« autisme » et d'anorexie. Adolescent, ses goûts se portent sur la musique, le latin, le grec et les littératures anciennes…
« Monsieur et Madame Quignard sont tous deux professeurs de lettres classiques. Le premier est issu d'une famille d'organistes d'origine wurtembergeoise et alsacienne tandis que le grand-père maternel, Charles Bruneau, est l'auteur, avec son homonyme Ferdinand Brunot, d'une fameuse Histoire de la langue française. "Ces grands connaisseurs de la langue vous piétinaient à la moindre faute". D'où la nécessité, pour se montrer à la hauteur, de maîtriser le français rapidement et dans ses plus fines subtilités. Quant au goût pour ce que Pascal Quignard nomme les "langues originaires", le latin et le grec, il lui vient des jeux étymologiques qu'affectionnait sa mère. "Il n'y avait pas un repas qui ne soit interrompu par des recherches dans les dictionnaires. C'était à la fois fascinant et un peu effrayant de voir les lèvres de ma mère prononcer des mots cabalistiques, des dérivations dépourvues de sens pour un enfant." Très vite, il est pris par une passion qui est restée la passion de sa vie : la lecture. Il se souvient de lui, vers quatre ou cinq ans, les pieds sur un petit établi, lisant Peau d'âne ou les Contes et légendes de la collection Hachette. "Comme les panoplies de mousquetaires, de cow-boys ou de centurions romains, c'était revêtir des mondes imaginaires." »
En 1968, il est étudiant en philosophie à Nanterre. Le Mercure de France publie son premier essai, consacré à Sacher Masoch en 1969, mais il faudra Le Salon du Wurtemberg en 1986 puis Les Escaliers de Chambord en 1989, pour révéler Pascal Quignard au grand public.
Il a enseigné à l’université de Vincennes et à l’École pratique des hautes études en sciences sociales. Il a fondé avec le président François Mitterrand le festival d’opéra et de théâtre baroque de Versailles.
Pascal Quignard a collaboré longtemps aux éditions Gallimard (lecteur extérieur à partir de 1969, puis membre du comité de lecture en 1976 et enfin en charge du secrétariat général du service littéraire, en 1990). En 1994, il a démissionné de toutes ses fonctions, pour se consacrer uniquement à son travail d’écrivain. Il déclare alors « Je suis plus heureux d’être libre et solitaire ». Le prix Goncourt 2002, obtenu pour Ombres errantes, a été perçu comme le couronnement d'une œuvre à mi-parcours.
Son œuvre, entre roman, essais philosophique, poésie est tout à fait inclassable. « Mais encore fallait-il donner une figure, et donc une forme, à défaut d'un nom, à ce projet d'écriture, à cette œuvre qui se cherchait. Toutefois, ce n'est pas à un repos, à une commodité que devait aboutir cette recherche. Elle attendait simplement la possibilité, l'autorisation que l'on se donne à soi-même de continuer, d'avancer, d'"errer" dirait Quignard. Cette forme ne pouvait donc être fixe ; elle ne voulait pas être un carcan, une limite, un enfermement, mais son exact contraire. Quignard connaît trop les séductions de la rhétorique pour y céder sans examen. De plus, l'attraction demeurait pour la fiction, les histoires et les fables, pour tout ce que la fantaisie invente en vue du plaisir et de l'inquiétude. Il était, ce désir, aussi fort et ancré que celui de la spéculation et de la réflexion philosophique. Aussi puissant que celui de l'érudition. Il était essentiel et urgent de ne renoncer à rien, ni à l'astronomie, ni à la mythologie, ni à la science préhistorique, ni à la philosophie chinoise, ni à la pensée arabe ni à l'art oratoire des Latins. Et surtout pas à la littérature. »
(extrait d'un article de Patrick Kéchichian, Le Monde, 27 septembre 2002)
Bibliomonde

24.02.06 A 23H05 : PERMIS DE PENSER

 

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Permis de penser #18
Pascal Quignard
Vendredi 24 février 2006 à 23h05
Une émission proposée et animée par Laure Adler
Co-production : ARTE France & MK2 TV - 2005 - 58 mn
Réalisation : Sylvain Bergère

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