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Résumé
Un homme quitte deux fois par semaine son domicile pour se rendre chez son analyste. La séance se déroule puis il rentre chez lui. Rien que d’assez commun, en somme. Oui, mais avez-vous songé à analyser chaque mouvement, chaque action, chaque sentiment, chaque détail entourant ce rituel d’analyse ? Imaginez-vous la langue de celui qui vit cette expérience, entre monologue intérieur plein d’autodérision et description minutieuse d’un réel transformé par l’attente et la tension de l’observation du moi ?

Biographie
Jerome Gontier est né en 1970, il vit et travaille à Rennes. Après avoir publié Ergo sum en 2002 il publie Continuez, livre qui retrace sa psychanalyse , à l’occasion de la rentrée littéraire 2007

Extraits
Continuez, 1ère partie, chapitre 1

1. Je visite mon docteur deux fois par semaine – les heures et les jours, ça dépend des années.

2. (M’y darda la formidable science qu’à défaut je ne me posséderais jamais que par pièces ou du coude, et comme par accident : ceci donc ne me sauverait pas la vie car il ne faut rien exagérer mais j’escomptais qu’il pût sauver la mienne, si l’on voit ce que je veux dire.

3. – Et, du lieu où je me trouve assis ce matin de l’année deux mil six, devant ma fenêtre ouverte et une haie qui bouge, je ne puis que me savoir gré de ma résolution.

4. Je veux dire par là que sans elle, née donc d’une formidable science qui me darda céans, jamais je n’eusse su articuler proprement mon destin ni nettoyer ma langue et ce qui va avec.

5. Dire par là que sans ce point, ces lignes et ces spirales qui s’ensuivirent, je fusse demeuré hère qui piétine et balbutie beaucoup et quand j’y songe oh ça me fait très peur et je me dis que oui, décidément oui, moi aussi plus d’une fois m’a caressé le front le vent de l’aile de l’imbécillité me dis que bref : j’ai eu très chaud mais c’est passé et je me remercie.)



6. Je m’y rends ne varietur en automobile, parfois au sortir de mes obligations professionnelles ou domestiques, parfois de quelque lieu qui ne regarde que moi – ça dépend des heures et des jours, ça dépend des années mais ce qui ne varie pas c’est que ne varietur une auto me meut qui varie selon l’heure, elle et le jour.

7. (La durée du voyage n’excède jamais la moitié d’une heure, tous aléas de la circulation compris : s’il a pu se produire certain jour que j’arrive en retard, toujours m’en incomba la faute.

8. – M’en incomba toute, donc, car dans cette affaire-là tout décidément me regarde je trouve et c’est une fois qu’on a admis cela beaucoup de temps gagné.)

9. Je m’efforçais naguère y roulant de retrouver le fil que l’au revoir en le coupant la fois d’avant avait en même temps suspendu dans le vide de jours résonnamment pleins si je me fais comprendre – fil dont les trémulations fouettaient l’air, sans doute et le faisaient chanter.

10. En effet, ma parole en ce temps-là était en mon esprit quelque chose fine et souple équipée d’un sens et qu’il serait loisible à chacun de suivre ou de tirer à soi le tout étant de tenir le bon bout et ne pas le lâcher.

11. – Le fait têtu étant que ma parole avait du mal à être continue vu que le temps durant lequel celle-ci se dévidait ou se nouait ou se dépliait ou s’enroulait en des circonvolutions pas possibles, inimaginables même, m’était compté et qu’en son terme un au revoir allait signer la fin de tout craignais-je, alors qu’en vérité c’était seulement une fois coupé que le fil se mettait à trembler faisant chanter l’air donc et moi dedans, alors seulement que le temps travaillait la parole et qui le travaillait, le remplissant à la manière d’une parenthèse à moins que ce ne fût l’inverse mais je n’étais pas sûr – et je n’aimais pas ça.

12. Adoncques, voulant obvier naguère aux pointillés je m’efforçais roulant de retrouver ce fichu fil afin de repartir exactement cette fois vers quoi j’avançais de l’endroit où nous nous étions arrêtés lui et moi la fois d’avant.

13. J’imaginais que cet effort lui agréait, lui agréer m’était très doux, je ne savais pas encore que rien ni personne ne s’arrêtait, que de linéarité que couic, que j’étais tout seul, que la parole enfin obéit à d’autres lois qu’un fil.

14. Désormais je regarde plutôt les champs et la tête vide, l’horizon bosselé, les animaux qui paissent, la route devant mes yeux, derrière par réflexion, la rue, les gens, leurs drôles de têtes et leurs silhouettes.

15. J’écoute la radio, mon vide plein, mon plein vide, les bruits du vent dans l’habitacle, le ronflement du moteur : je n’y pense pas – ou moins.

16. Je présume que c’est mieux, que voilà un gage que du temps a passé et j’en suis satisfait mais ni plus ni moins que jadis où je me faisais fort de lui plaire escomptais-je, pourtant et c’est à n’y rien comprendre.

17. (Céans ne varietur se visite en fin de journée lorsque la lumière tombe, ou pas, ou ne va pas tarder – ça dépend des heures, ça dépend des jours –, au moment de ce qu’on nomme la sortie des bureaux : ils sortent, et moi je m’apprête à rentrer…)

Continuez, 1ère partie, chapitre 2 (extrait).

18. Je connais par cœur depuis le temps les contours précis des zones de stationnement gratuit de sorte que j’y inscris ma variable auto dès qu’arrivé non loin du lieu où quelque chose aura lieu, a lieu, a eu lieu, eut lieu.

19. Il en résulte que j’y épargne un peu de temps et d’argent qui avec et depuis le temps feraient beaucoup si l’on additionnait mais je ne l’ai jamais fait mais je sais de quoi je parle, depuis le temps je crois qu’on peut me croire sur parole, – et puis a-t-on seulement le choix ?

20. Cependant : malgré cette connaissance aiguë des contours il m’arrive quelquefois aussi de ne pas trouver à me parquer où je connais par cœur et de subséquemment tourner en rond, en rond dans mon auto.

21. Alors, si me voilà en retard ou dans son imminence, je jette mon dévolu sur une place obligatoirement payante et libre et je m’y parque, toujours de mauvais gré car il n’est jamais agréable je trouve de n’avoir pas le choix même si avec le temps on s’y fait car on se fait à tout aussi je sais.

22. – D’autant me dis-je ensuite que la question du choix est extrêmement relative en vérité dans la mesure où, en cette occurrence-ci et une fois mon non-choix constaté je m’aperçois quand même toujours que je possède encore et malgré tout le choix minime si l’on y tient mais qui est-on pour y tenir ? entre deux zones de stationnement payant ce qui ne met aucun baume à mon cœur il est vrai mais me permet de respirer un temps qui n’est pas négligeable car il est mieux que rien.

23. C’est alors l’une ou l’autre sur quoi je jette mon dévolu contraint et de fort mauvais gré, – quant à laquelle de rue exactement c’est ça dépend des heures, et ça dépend des jours.

24. (Faire le choix qui suit de ne pas glisser de pièce dans la machine est un pari que je fais sans jamais me départir d’une appréhension qui me dis-je fait partie du pari que je fais mais cela reste assez rare cependant car généralement je dis bien : généralement je trouve à me parquer dans l’une des zones de stationnement gratuit dont les contours me sont connus par cœur, donc depuis le temps et je préfère, – il va sans dire que je préfère beaucoup.)

25. Il s’écoulera de trois quarts d’heure à une heure entre le moment où je serai descendu de ma variable auto et celui où j’y remonterai – sauf aléas dans le détail desquels ni ici ni ailleurs je n’entrerai vu qu’ils sont infinis, imprévisibles et toujours déroutants.

26. Car : à s’y aventurer on perdrait beaucoup de temps précieux, tous les repères ainsi que la vue juste.

27. Or, quelque chose qui ressemble à mon salut est à ce prix : la vue juste, je veux dire une vue proprement débarrassée des fééries qui encombrent l’œil d’une part, de l’autre l’air entre lui et son objet.

28. Ainsi à l’essentiel est ma riante devise parfois mais où aussitôt me dis-je est l’essentiel et qu’est-ce ?

29. Comment l’identifier, le cerner ?

30. Comment opérer le départ entre lui et l’accessoire, et qui opère au juste ?

31. Puis-je avoir confiance en cet opérateur ?

32. – Quelle drôle d’idée.

33. Pourquoi d’ailleurs après tout ne pas rentrer dans le détail des aléas si tant est que c’en soient ?

34. La vue juste n’est-elle pas à ce prix : le prix des aléas ?

35. – Et quand, à ce moment précis, ma parole se mord la queue j’arrête.

36. Donc : le temps de ma parole à venir, je veux dire le temps de la parole pour le dévidage ou le nouage ou le dépliement ou l’enspiralement de laquelle ne varietur je me rends deux fois par semaine en auto vespérale au cabinet de mon docteur, parole à prix fixe mais soumise pour le reste à variations de tous genres et pas seulement de temps, se trouve bordé par deux zones floues, mollassonnes et infinies sous un certain regard qui ne sont pas silencieuses mais tremblent un peu dans l’air, le font chanter et moi dedans, mâchent ce qui va advenir ou ce qui est passé qui tremble et qui résonne.

37. Donc : le temps de ma parole à venir est frangé de sorte que, de frange en frange, il est malaisé de circonscrire l’aire qu’il occupe car on n’y voit pas très clair et car cette aire, où s’exécute ma parole si je peux dire quelque chose comme ça, pour prégnante qu’elle soit demeure indéfinissable du fait qu’elle bouge entre autres mais qu’est-ce qu’elle fait parler.

38. – C’est tout ce que je peux dire.

[…]

Céans, 1ère partie, chapitre 2, extrait n° 2.

[…]

39. Pour des raisons qui ne m’appartiennent pas toujours, parfois aussi me voilà en avance : je veux parler alors d’une avance assez conséquente pour me dire vraiment tel, je veux dire une avance qui ménage assez de temps devant pour escompter en jouir comme je l’entends n’est-ce pas.

40. Et, dans ce cas, je vais quelque part où je m’arrête.

41. (Les raisons qui ne m’appartiennent pas toujours sont dues aux aléas, celles qui sont à moi me sont dues mais je n’en dirai rien, toutes me mènent au même endroit qui est un point crucial où je m’arrête et qui varie aussi car je possède alors encore le choix pas si minime que ça non plus entre plusieurs : je vais ici ou là qui est toujours ici quand j’y suis, je bois ceci ou bien cela – ça dépend des heures, ça dépend des jours.

42. Ce qu’ensuite j’y fais dépend beaucoup aussi mais ce qui ne dépend pas c’est que toujours je dépose la monnaie sur la table ou le comptoir à la fin et si nécessaire attends qu’on me la rende et dis merci avant de m’en aller, puis : au revoir.)

43. Ou bien je déambule à pas lents, quiets, sans but parmi les rues lorsqu’il fait beau par exemple ou que j’en ai envie ou que je n’ai pas le temps selon moi d’aller où m’arrêter ou d’autres choses qui sont des raisons du même genre, excellentes je trouve et qui varient beaucoup, donc, aussi.

44. Quelquefois alors pendant ce temps que je déambule quiet et lent sans but je compte mes pas mais pas toujours, ou je chantonne mais pas toujours non plus : cela dépend des heures, cela dépend des jours, cela dépend de mon humeur.

45. Ce que je chantonne aussi dépend des heures, des jours, de mon humeur mais généralement quand même c’est gai car sinon à quoi bon chantonner ?

46. Du reste, que je déambule sans but parmi les rues à pas lents et quiets n’est qu’une façon de parler car en réalité s’il est vrai que je déambule à pas dits tels ce n’est pas tout à fait sans but car je me dois la vérité et est-ce que j’ai le choix, encore une fois ?

47. Le but en fait est de passer le temps dans tous les sens, de réfléchir en chantonnant ou en comptant ses pas, d’investir quelque chose qui est un espace physique et verbal, musical aussi bien plein de temps avant d’en pénétrer un autre à l’heure fixée vers quoi j’avance, qui sera lui aussi un espace physique et verbal, musical aussi bien plein de temps mais autre.

48. – Rigoureusement autre.

49. (Une rue quelque part par là se nomme rue de la Santé : il m’arrive d’y parquer mon auto ou de l’emprunter à pied dans les deux sens mais pas plus que les autres rues qui me voient déambulant lent, – c’est une rue comme une autre pour moi, cela dit en passant.)

50. Parfois aussi je stationne quelques minutes debout devant un distributeur automatique.

51. J’ai prévu dans ce cas car je suis quelqu’un organisé, extrêmement rigoureux quand je veux avant le départ de mes obligations professionnelles ou domestiques qui par définition ne peuvent se contourner, je crois ou bien encore de quelque lieu qui ne regarde que moi, lui et dont je ne dirai rien toujours, donc le temps que je perdrai devant la machine afin de ne pas me mettre en retard quand sonnera l’heure fixée vers quoi j’avance même arrêté.

52. – Mais, réfléchis-je parfois : Automate ou pas peut-on y perdre son temps ?

53. Comment s’y prend-on exactement pour perdre son temps ?

54. A rebours, que veut dire le gagner ?

55. Finalement, peut-être alors et tous comptes faits en y réfléchissant bien et d’une certaine manière : fait-on autre chose et tout le temps que perdre son temps si l’on entend ce que cela veut dire ? 56. Gagner son temps est-il en effet très franchement concevable et comment s’y prend-on pour ce faire ?

57. Oui, oui : quel est le secret qui fait gagner son temps ?

58. Et qu’est ce temps et de quoi est-il fait s’il s’admet qu’on puisse à l’envi l’encaisser le dilapider ou encore l’épargner ?

59. Serait-ce un trésor, un tribut, une monnaie d’échange ?

60. Mais qui en fixe le prix alors, qui ?

61. Selon quel cours ?

62. Quelle prise exacte a-t-on sur lui, je veux dire : le temps ?

63. Qu’est-ce qui de lui échappe toujours et qu’est-ce qu’on tient de lui, suivant quelles modalités, et quelles modalités fixées par qui, par quel opérateur ?

64. Qu’est-ce qu’on en sauve et pour quoi faire au juste ?

65. Peut-on acquiescer sans rire à la déclaration suivante : Pour nous, physiciens dans l’âme, le temps n’existe pas.

66. – Qu’est-ce que ça veut dire ?

67. Etcetera.

[…]

Continuez, 1ère partie, ch.2,

[…]

68. (Le curieux est que pendant toutes ces réflexions ou avant ou après je possède encore une fois le choix, cette fois entre trois automates entre lesquels j’alterne de manière assez équilibrée je trouve, je pense selon l’endroit d’où j’arrive en auto puis à pied et mon humeur.

69. – Et le curieux aussi est que ce choix de la station ne va pas non plus sans une certaine joie non pas d’avoir le choix mais d’avoir face à soi cela qui est qu’on n’avait pas prévu mais prend tonitruant comme c’est.

70. – Et le curieux encore, voire le jubilatoire est que je tienne, immobile et debout attendant la sortie de ce que j’hésite à nommer mon extrait mais je crois que c’est ça, à éprouver irrésistiblement le voisinage du cabinet de mon docteur

71. Je veux dire par là qu’il existe un autre automate en vérité que je ne fréquente pas, lui, jamais même s’il m’arrive de le croiser durant mes déambulations quiètes et si je ne le fréquente pas, lui, donc, c’est parce que je le trouve loin, oui, trop loin de la tiédeur du cabinet et que ça me ferait presque peur et froid de m’y arrêter exilé en quelque sorte et c’est curieux, je sais mais c’est ainsi et s’accompagne et se pare voire, donc d’une certaine jubilation y advenant très immanquablement quand je le prends comme c’est.)

72. M’éloignant ensuite de l’appareil je glisse une partie de l’extrait dans une poche, manteau ou pantalon – cela dépend des heures, cela dépend des jours –, plie le reliquat dans mon portefeuille avec ma carte bancaire dont je connais le code par cœur.

73. J’effectue ces gestes d’un air très détaché, comme quelqu’un qui sortant du bureau s’apprête à aller faire une course, j’imagine.

74. Parfois aussi d’ailleurs en effet je vais de ce pas lent acheter un paquet de tabac ou des feuilles à rouler ou le journal ou un briquet ou quoi que ce soit qui coûte afin d’avoir la monnaie exacte tout à l’heure au moment de payer l’exécution de ma parole, ce qui fait que mon air très détaché emprunté à quelqu’un qui sortant du bureau s’apprête à aller faire une course, j’imagine n’est pas totalement joué je trouve – ou c’est que le jeu n’est pas où je le crois je ne sais pas vraiment.

75. (Ce que je sais en revanche est que voir juste ne veut rien dire, je veux dire n’apporte aucun salut, quelque détaché que j’aie l’air, si ne se déploie pas ou ne se déplie pas ma parole dans tous les sens qui ont un sens : la vue ne s’affine que dans la bouche, et la vue que j’ai de moi détaché ou pas mes extraits dans la poche ne se réalise, juste ou pas que dite, point.)

76. Autrefois je lisais le journal le temps qu’il me restait même s’il n’existait pas mais j’avais du mal, vraiment du mal à être physicien dans l’âme alors, et je marchais à pas toujours quiets dans les rues, fixé de l’œil.

77. Mais un jour j’ai trouvé que ce n’était pas très sérieux quand même d’arriver avec lui sous le bras au cabinet alors j’ai arrêté : ce n’était pas très sérieux et en même temps c’était grave, c’est curieux aussi mais c’est aussi ainsi.

78. Mon docteur a remarqué l’effet de ma résolution mais n’a rien dit ou il n’a rien remarqué du tout, c’est probable aussi lorsque je réfléchis un peu, je ne sais pas.

79. Cela ne m’en déplut pas moins toutefois même plus à vrai dire que s’il n’avait sciemment rien dit car s’il n’avait sciemment rien dit, et qu’aurait-il pu dire de toute façon qui n’eût frisé le ridicule : Tiens, vous avez mis le Monde dans votre poche ?

80. Où est donc votre Equipe ?

81. Qu’avez-vous fait de votre Humanité ?

82. Vous avez égaré votre Point de vue ? au moins ce silence médité, têtu et su tel des deux côtés de nous participant en somme d’un jeu eût-il donné crédit même si muet à l’effort par moi consenti pour revêtir les signaux d’une certaine gravité tandis que sinon, dans cet autre cas qui est le plus probable : à savoir qu’il n’a rien remarqué des efforts que j’avais consentis, tout simplement, il me fallait admettre alors que je l’indifférais d’une certaine façon, ce qui était quand même une perspective dure à avaler si ça peut se dire mais aujourd’hui tout cela m’indiffère moi aussi assez voire complètement et aurait même tendance, je dois dire à m’amuser ce qui est un autre signe indubitable je trouve que des choses quelque part bougent et pas seulement le temps et je suis satisfait aussi de ça, depuis le temps et c’est normal je trouve : peut-être est-ce que je m’éloigne de moi ou que je m’en approche ?

83. – Je ne sais pas, puis qui est je de toute manière, et qui est moi n’est-ce pas ?

84. Et où sont-ils ?

85. Et d’où causent-ils ?

86. (Etcetera, bien sûr.)

[…]

Jérôme Gontier est né en 1970.
Continuez paraîtra chez Léo Scheer, dans la collection Laureli, en septembre prochain
C'est son deuxième livre, après (ergo sum) (Al Dante, 2002)

 


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L’équation du nénuphar

Les plaisirs de la science
Un essai de Albert Jacquard
Avec des dessins de PEF
Calmann-Lévy, 1998
190 pages

 

Albert Jacquard est polytechnicien et généticien des populations. Il est bien connu au Québec puisqu’il y est venu à plusieurs reprises. C’est également un ami de l’astrophysicien Hubert Reeves, un québécois que l’on retrouve souvent à la télévision, plus particulièrement au canal Savoir. Albert Jacquard a écrit plusieurs ouvrages sur la science et sur la société qui sont autant des best-sellers. «Cinq milliard d’hommes dans un vaisseau» lançait en 1987 un cri d’alarme sur la surpopulation de notre planète Terre. L’homme de science a aussi écrit des manifestes comme «J’accuse l’économie triomphante» et a publié des entretiens avec l’abbé Pierre dans «Absolu».
Albert Jacquard est un scientifique engagé non croyant. Pour lui, avoir la foi c’est croire ; or, pour un homme de science, croire est incompatible avec son credo, celui de démontrer, celui de prouver. En revanche, s’il ne s’investit pas dans la foi, ni dans la religion, il s’implique dans son milieu, celui de l’Homme de tout l’univers. D’ailleurs, pour Jacquard, il n’y a pas de races humaines, il n’y en a qu’une seule à laquelle tout individu qu’il soit de couleur de peau rouge, blanche, noir ou jaune appartient. L’Homme est la race humaine, comme le chimpanzé est à l’animal, que la roche est au minéral et que le nénuphar est la plante/fleur. Et le grand dada de Jacquard est la génétique et la reproduction. Trop abondante chez certaine population, pas assez chez d’autre, mais de toute manière, à surveiller, vu l’étroitesse du bateau dans lequel on navigue et qui ne pourra plus contenir et nourrir des nouveaux arrivants s’il y a surpopulation sur tous les ponts.
Dans L’équation du nénuphar, Albert Jacquard nous raconte comment la science peut être un plaisir et même une joie à partager en famille ou entre anis. Elle est aussi la plus extraordinaire école de liberté et de rigueur que les hommes aient inventée. Ce livre redonne à l’enseignement de la science toute sa vertu : préparer une société plus libre et plus juste.
L’équation du nénuphar est le fruit d’un projet : «Ateliers des sciences» de la Fondation 93. Jacquard y puise dans ses souvenirs de rencontres et de conférences qu’il à données tant en France qu’au Québec à des étudiants du niveau primaire et secondaire. Il déclare : « je m’efforce d’insérer le cheminement de l’intelligence de ces découvreurs (les savants) dans le cheminement propre de l’auditeur, de prendre celui-ci par la main pour l’aider à progresser non dans un parcours imposé, mais dans son parcours personnel, en y éprouvant du plaisir». Que j’aurais donc aimé être tombé sur un tel professeur lorsque j’étais enfant ! Je serais moins nul aujourd’hui.
Plus loin, il écrit : «...sauf cas pathologique, leur intelligence (celle des élèves) est le résultat toujours provisoire de leurs propres efforts pour la développer». Pour Jacquard et Georges Charpak qu’il cite, «La science est l’outil qui permet d’approcher le réel, d’apprendre la fécondité du questionnement, [...] de susciter l’argumentation et l’échange des idées...». Bref, la science est une école de pensée et de vie et qu’il faut à tout prix démystifier. Il n’y a pas que les surdoués qui peuvent la comprendre, s’en servir et en éprouver du plaisir.
À lire absolument !
Michel Paul Beaudry



Albert Jacquard, ingénieur, docteur en génétique et en biologie humaine, a enseigné dans plusieurs universités en France et à l'étranger. Vulgarisateur scientifique, humaniste, philosophe et auteur de 38 publications, il a fait le tour du monde pour sensibiliser l'opinion publique aux défis de la science contemporaine, tout en participant activement aux grands débats actuels qui portent sur les responsabilités de l'être humain face à sa destinée. « Ce qui est révolutionnaire n'est pas seulement, comme le disait Gramsci, la vérité, c'est la lucidité, et celle-ci ne peut être partagée qu'en diffusant les fragments de compréhension péniblement obtenus par l'effort de tous. »

 

과학의 즐거움이라는 제목으로 출판된 알베르 자까르의 책.

참고

Le regard d'Albert Jacquard

 


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토마스 베른하르트 지음, 류은희.조현천 옮김 / 현암사 / 2008년 8월
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토마스 베른하르트 지음, 김현성 옮김 / 문학과지성사 / 2009년 3월
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혼란.한아이- 범우비평세계문학선 67
토마스 베른하르트 지음, 김연순 옮김 / 범우사 / 1991년 2월
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벌목꾼
토마스 베른하르트 지음 / 현대미학사 / 1993년 9월
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par Gilles Deleuze et Félix Guattari

Extrait de Mille plateaux, Comment se faire un Corps sans Organes (CsO) p197

"Considérons les trois grandes strates par rapport à nous, c'est-à-dire celles qui nous ligotent le plus directement : l'organisme, la signifiance et la subjectivation. La surface d'organisine, l'angle de signifiance et d'interprétation, le point de subjectivation ou d'assujettissement. Tu seras organisé, tu seras un organisme, tu articuleras ton corps — sinon tu ne seras qu'un dépravé. Tu seras signifiant et signifié, interprète et interprété — sinon tu ne seras qu'un déviant. Tu seras sujet, et fixé comme tel, sujet d'énonciation rabattu sur un sujet d'énoncé — sinon tu ne seras qu'un vagabond. A l'ensemble des strates, le CsO oppose la désarticulation (ou les n articulations) comme propriété du plan de consistance, l'expérimentation comme opération sur ce plan (pas de signifiant, n'interprétez jamais !), le nomadisme comme mouvement (même sur place, bougez, ne cessez pas de bouger, voyage immobile, désubjectivation). Que veut dire désarticuler, cesser d'être un organisme ? Comment dire à quel point c'est simple, et que nous le faisons tous les jours. Avec quelle prudence nécessaire, l'art des doses, et le danger, overdose. On n'y va pas à coups de marteau, mais avec une lime très fine. On invente des autodestructions qui ne se confondent pas avec la pulsion de mort. Défaire l'organisme n'a jamais été se tuer, mais ouvrir le corps à des connexions qui supposent tout un agencement, des circuits, des conjonctions, des étagements et des seuils, des passages et des distributions d'intensité, des territoires et des déterritorialisations mesurées à la manière d'un arpenteur. A la limite, défaire l'organisme n'est pas plus difficile que de défaire les autres strates, signifiance ou subjectivation. La signifiance colle à l'âme non moins que l'organisme colle au corps, on ne s'en défait pas facilement non plus. Et le sujet, comment nous décrocher des points de subjectivation qui nous fixent, qui nous clouent dans une réalité dominante ? Arracher la conscience au sujet pour en faire un moyen d'exploration, arracher l'inconscient à la signifiance et à l'interprétation pour en faire une véritable production, ce n'est assurément ni plus ni moins difficile qu'arracher le corps à l'organisme. La prudence est l'art commun des trois ; et s'il arrive qu'on frôle la mort en défaisant l'organisme, on frôle le faux, l'illusoire, l'hallucinatoire, la mort psychique en se dérobant à la signifiance et à l'assujettissement. Artaud pèse et mesure chacun de ses mots: la conscience « sait ce qui est bon pour elle et ce qui ne lui vaut rien; et donc les pensées et sentiments qu'elle peut accueillir sans danger et avec profit, et ceux qui sont néfastes pour l'exercice de sa liberté. Elle sait surtout jusqu'où va son être, et jusqu'où il n'est pas encore allé ou n'a pas le droit d'aller sans sombrer dans l'irréalité, l'illusoire, le non-fait, le non-préparé… Plan où la conscience normale n'atteint pas mais où Ciguri nous permet d'atteindre, et qui est le mystère même de toute poésie. Mais il y a dans l'être humain un autre plan, celui-là obscur, informe, où la conscience n'est pas entrée, mais qui l'entoure comme d'un prolongement inéclairci ou d'une menace suivant les cas. Et qui dégage aussi des sensations aventureuses, des perceptions. Ce sont les fantasmes éhontés qui affectent la conscience malade. Moi aussi j'ai eu des sensations fausses, des perceptions fausses et j'y ai cru » (Artaud, Les Tarahumaras, t. IX, pp. 3435)

L'organisme, il faut en garder assez pour qu'il se reforme à chaque aube; et des petites provisions de signifiance et d'interprétation, il faut en garder, même pour les opposer à leur propre système, quand les circonstances l'exigent, quand les choses, les personnes, même les situations vous y forcent ; et de petites rations de subjectivité, il faut en garder suffisamment pour pouvoir répondre à la réalité dominante. Mimez les strates. On n'atteint pas au CsO, et à son plan de consistance, en détratifiant à la sauvage. C'est pourquoi l'on rencontrait dès le début le paradoxe de ces corps lugubres et vidés : ils s'étaient vidés le leurs organes au lieu de chercher les points où ils pouvaient patiemment et momentanément défaire cette organisation des organes qu'on appelle organisme. Il y avait même plusieurs manières de rater le CsO, soit qu'on n'arrivât pas à le produire, soit que, le produisant plus ou moins, rien ne se produisît sur lui, les intensités ne passaient pas ou se bloquaient. C'est que le CsO ne cesse d'osciller entre les surfaces qui le stratifient et le plan qui le libère. Libérez-le d'un geste trop violent, faites sauter les strates sans prudence, vous vous serez tué vous-même, enfoncé dans un trou noir, ou même entraîné dans une catastrophe, au lieu de tracer le plan. Le pire n'est pas de rester stratifié — organisé, signifié, assujetti — mais de précipiter les strates dans un effondrement suicidaire ou dément, qui les fait retomber sur nous, plus lourdes à jamais. Voilà donc ce qu'il faudrait faire : s'installer sur une strate, expérimenter les chances qu'elle nous offre, y chercher un lieu favorable, des mouvements de déterritorialisation éventuels, des lignes de fuite possibles, les éprouver, assurer ici et là des conjonctions de flux, essayer segment par segment des continuums d'intensités, avoir toujours un petit morccau d'une nouvelle terre. C'est suivant un rapport méticuleux avec les strates qu'on arrive à libérer les lignes de fuite, à faire passer et fuir les flux conjugués, à dégager des intensités continues pour un CsO. Connecter, conjuguer, continuer : tout un « diagramme » contre les programmes encore signifiants et subjectifs. Nous sommes dans une formation sociale ; voir d'abord comment elle est stratifiée pour nous, en nous, à la place où nous sommes ; remonter des strates à l'agencement plus profond où nous sommes pris ; faire basculer l'agencement tout doucement, le faire passer du côté du plan de consistance. C'est seulement là que le CsO se révèle pour ce qu'il est, connexion de désirs, conjonction de flux, continuum d'intensités. On a construit sa petite machine à soi, prête suivant les circonstances à se brancher sur d'autres machines collectives. Castaneda décrit une longue expérimentation (peu importe qu'il s'agisse de peyotl ou d'autre chose): retenons pour le moment comment l'Indien le force d'abord à chercher un « lieu », opération déjà difficile, puis à trouver des « alliés », puis à renoncer progressivement à l'interprétation, à construire flux par flux et segment par segment les lignes d'expérimentation, devenir-animal, devenir-moléculaire, etc. Car le CsO est tout cela : nécessairement un Lieu, nécessairement un Plan, nécessairement un Collectif (agençant des éléments, des choses, des végétaux, des animaux, des outils, des hommes, des puissances, des fragments de tout ça, car il n'y a pas « mon » corps sans organes, mais « moi » sur lui, ce qui reste de moi, inaltérable et changeant de forme, franchissant des seuils).

Au fil des livres de Castaneda, il peut arriver que le lecteur se mette à douter de l'existence de Don Juan l'Indien, et de bien d'autres choses. Mais cela n'a aucune importance. Tant mieux si ces livres sont l'exposé d'un syncrétisme plutôt qu'une ethnographie, et un protocole d'expérience plutôt qu'un compte rendu d'initiation. Voilà que le quatrième livre, Histoires de pouvoir, porte sur la distinction vivante du « Tonal » et du « Nagual ». Le tonal semble avoir une extension disparate: il est l'organisme, et aussi tout ce qui est organisé et organisateur ; mais il est encore la signifiance, tout ce qui est signifiant et signifié, tout ce qui est susceptible d'interprétation, d'explication, tout ce qui est mémorisable, sous la forme de quelque chose qui rappelle autre chose ; enfin il est le Moi, le sujet, la personne, individuelle, sociale ou historique, et tous les sentiments correspondants. Bref, le tonal est tout, y compris Dieu, le jugement de Dieu, puisqu'il « construit les règles au moyen desquelles il appréhende le monde, donc il crée le monde pour ainsi dire ». Et pourtant le tonal n'est qu'une ile. Car le nagual lui aussi, est tout. Et c'est le même tout, mais dans des conditions telles que le corps sans organes a remplacé l'organisme, l'expérimentation a remplacé toute interprétation dont elle n'a plus besoin. Les flux d'intensité, leurs fluides, leurs fibres, leurs continnums et leurs conjonctions d'affects, le vent, une segmentation fine, les micro-perceptions ont remplacé le monde du sujet. Les devenirs, devenirs-animaux, devenirs-moléculaires, remplacent l'histoire, individuelle ou générale. En fait, le tonal n'est pas si disparate qu'il semble : il comprend l'ensemble des strates, et tout ce qui peut être rapporté aux strates, l'organisation de l'organisme, les interprétations et les explications du signifiable, les mouvements de subjectivation. Le nagual au contraire défait les strates. Ce n'est plus un organisme qui fonctionne, mais un CsO qui se construit. Ce ne sont plus des actes à expliquer, des rêves ou des fantasmes à interpréter, des souvenirs d'enfance à rappeler, des paroles à faire signifier, mais des couleurs et des sons, des devenirs et des intensités (et quand tu deviens chien, ne va pas demander si le chien avec lequel tu joues est un rêve ou une réalité, si c'est « ta putain de mère » ou autre chose encore). Ce n'est plus un Moi qui sent, agit, et se rappelle, c'est « une brume brillante, une buée jeune et sombre », qui a des affects et éprouve des mouvements, des vitesses. Mais l'important , c 'est qu'on ne défait pas le tonal en le détruisant d'un coup. Il faut le diminuer, le rétrécir, le nettoyer, et encore à certains moment seulement. Il faut le garder pour survivre, pour détourner l'assaut du nagual. Car un nagual qui ferait irruption, qui détruirait le tonal, un corps sans organes qui briserait toutes les strates, tournerait aussitôt en corps de néant, auto-destruction pure sans autre issue que la mort : « le tonal doit être protégé à tout prix »."


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소음으로 다시 카프카에게 말을 걸다


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찿던 '어느개의 연구' '굴'단편이 포함되어있다.
솔출출판사에 카프카 전집목록.


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