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스페인 & 포르투갈
데미언 시모니스 외 11인 지음, 이호정 외 8인 옮김 / 안그라픽스 / 2009년 4월
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리스본행 야간열차 세트 - 전2권
파스칼 메르시어 지음, 전은경 옮김 / 들녘 / 2007년 10월
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동굴
주제 사라마구 지음, 김승욱 옮김 / 해냄 / 2006년 6월
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세상에서 가장 큰 꽃- 노벨문학상 수상 작가 그림책 3
주제 사라마구 지음, 주앙 카에타노 그림, 공경희 옮김 / 안그라픽스 / 2006년 2월
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들뢰즈 - 존재의 함성
알랭 바디우 지음, 박정태 옮김 / 이학사 / 2001년 6월
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카프카- 소수적인 문학을 위하여
질 들뢰즈.펠릭스 가타리 지음, 이진경 옮김 / 동문선 / 2001년 7월
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푸코
질 들뢰즈 지음, 허경 옮김 / 동문선 / 2003년 6월
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질 들뢰즈 지음, 허희정 옮김 / 동문선 / 2005년 1월
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백설공주를 사랑한 난장이
서광현.박승걸 글, 김계희 그림 / 여름솔 / 2002년 2월
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백설공주를 죽이시오!
정효찬 지음 / 이가서 / 2003년 8월
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à feuilleter
왜 백설공주는 독사과를 먹었을까?
이와쓰키 겐지 지음, 정은영 옮김 / 동양북스(동양문고) / 2003년 11월
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백설 공주와 일곱 난쟁이
그림 형제 지음, 낸시 에콤 버커트 그림, 랜달 자렐 엮음, 이다희 옮김 / 비룡소 / 2004년 6월
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Pour en finir avec la mort de l'art
«Adieu à l'esthétique» de Jean-Marie Schaeffer, «L'art contemporain et la clôture de l'histoire» d'Arthur Danto et «Le partage du sensible» de Jacques Rancière

source : Les éditions du mouvement // date de publication : 01/10/2000 // 19756 signes

La question de l'art réinvestit aujourd'hui le champ anthropologique et politique d'une approche globale du sensible. Avec trois textes des philosophes Schaeffer, Danto et Rancière, esquisse d'un nouveau terrain de pertinence.








Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, la philosophie fut le théâtre d'une singulière dramaturgie. Pour la première fois dans l'histoire de la pensée occidentale, la réflexion spéculative sur l'art faisait recette. Certains proclamaient l'anathème de l'art contemporain : « l'art véritable » était mort avec Duchamp, tout le reste était escroqueries, ne méritait même pas d'être critiqué. D'autres, moins emphatiques, cherchaient des critères adaptés aux manifestations contemporaines de l'art : il fallait les justifier comme si leur existence n'était pas leur propre justification. Ces querelles d'écoles servirent souvent des intérêts étrangers aux problèmes esthétiques. Entre cabotins et bons apôtres, les publications sur « la question de l'art » fleurirent. Mais, bien au-delà des enjeux éditoriaux, un nouvel ordre de l'art s'inaugurait.

La philosophie se donnait en spectacle. Par la mise en scène de la mort de l'art, elle devenait dramatique. Ce tribunal aux délibérations médiatisées était fantoche : l'art était mort, l'art vit. N'était-ce pas l'idée même de la mort de l'art qui était condamnée et avec elle la tradition de cette pensée ? C'est en cherchant dans les creux de cette question que parviennent à être posées les problématiques concernant certes la restructuration du monde de l'art (le rôle des musées, la politique culturelle, le statut de l'artiste, son engagement politique, la fonction et la place de l'art...), mais aussi de sa pensée et plus largement encore de notre rapport au sensible, de son approche rationnelle.

Trois textes publiés au printemps dernier en France permettent de cerner les linéaments de cette problématique. Adieu à l'esthétique de Jean-Marie Schaeffer, L'art contemporain et la clôture de l'histoire d'Arthur Danto et Le partage du sensible de Jacques Rancière, permettent de poser les termes d'un questionnement incontournable.





« La philosophie contemporaine est à une croisée des chemins. Elle vit, et ce depuis plusieurs décennies, un moment aussi crucial que l'ont été en leur temps les moments cartésiens, humien, kantien, nietzschéen ou wittgensteinien. Et comme cela a été le cas pour les contextes de crise (fructueuse) liés à ces noms, la situation actuelle ne résulte pas uniquement de causes internes à la philosophie. Elle est aussi un effet (ou un dégât, cela dépend du point de vue) collatéral de développements cognitifs dans d'autres champs. Pour aller vite je dirai que ce que les sciences ne cessent de nous apprendre depuis plus d'un siècle concernant l'être humain en tant qu'être biologique exige une redéfinition totale des questions qui ont été au centre de la philosophie moderne : la théorie du sujet, la théorie de la connaissance et l'éthique. Et, ce qui est au moins aussi important, cette redéfinition des questions canoniques implique une révision du statut même du discours philosophique et de ses relations avec les autres enquêtes ».

Jean Marie Schaeffer, Adieu à l'esthétique, p. 9, éd. PUF, Paris, mai 2000



« La crise de l'art » trahit bien plus l'inadéquation des structures intellectuelles et culturelles, des ordres de leur discours, que la médiocrité des créations. Ce constat n'est pas nouveau et ne suffit plus. Les causes, les raisons du décalage entre la création artistique et le discours spéculatif demandent à être cernées. Cette crise est l'épiphénomène d'un mouvement plus ample qui ne concerne pas seulement les milieux de l'art ou de l'esthétique mais les modes d'organisation, de structurations du sens.

Selon Jean-Marie Schaeffer, « Si l'expérience esthétique ou la création artistique sont ainsi sommées à comparaître devant le tribunal philosophique, c'est que pour la doctrine philosophique elles sont des enjeux stratégiques de sa propre complétude philosophique» (1). L'esthétique participe donc à la légitimation du discours philosophique comme discours fondateur. Depuis Emmanuel Kant, à travers l'adhésion commune des jugements individuels du goût à l'idée de beauté, elle tend à élaborer la possibilité d'une universalité subjective. Par-là même, elle lie le domaine pratique des subjectivités particulières à l'universalité du domaine de la raison. L'esthétique sert donc la volonté totalisante de la philosophie. Or, cette dernière est à entendre dans le champ plus vaste d'un questionnement sur la plénitude de l'être : elle est rattachée à une conception religieuse du monde. Le discours totalisant de la philosophie se referme paradoxalement sur elle et l'isole. Sous cet angle, la mise en scène philosophique de la mort de l'art apparaît comme l'un des derniers avatars de la mort de Dieu. La création contemporaine est alors devenue une objection à la philosophie. En mettant en scène la mort de l'art, la philosophie seule se donnait en spectacle : les fondements traditionnels de l'esthétique étaient remis en cause. Un certain type de discours esthétique, dont la nécessité était rivée à une idée de la philosophie comme principe fondateur et légiférant des domaines du savoir, a donc perdu toute pertinence. « Les résultats les plus intéressants des travaux publiés durant cette période équivalent à un diagnostic de mort clinique de la doctrine esthétique, parce qu'ils ont montré que l'unité du domaine des faits esthétiques n'était pas celle qui avait été posé par elle.»(2)

« La réflexion qui eut cours dans les années quatre-vingt-dix sur l'objet de l'esthétique a effectivement réussi à mettre au jour les traits distinctifs des faits esthétiques, mais (...) ceux-ci sont tels qu'ils ruinent le projet et les espoirs qui sont à la racine même de l'esthétique comme doctrine philosophique » (3). Pour autant, les faits esthétiques n'ont bien sûr pas disparu et un autre type de discours reste à construire. Un discours qui ne tire plus sa légitimité d'un terrain philosophique séparé. L'attitude esthétique est un trait caractéristique du comportement humain. Elle est déterminée par une adaptation aussi bien biologique que psychologique ou culturelle à notre environnement. Ainsi, l'idée de la possibilité d'une connaissance sensible qui était au fondement de l'esthétique comme doctrine philosophique n'est pas seule impliquée dans les faits esthétiques. Il faut revenir à une esthétique « naturalisée », c'est-à-dire partir de la réalité fonctionnelle des faits esthétiques, pour comprendre l'enjeu des manifestations artistiques. L'art comme toutes pratiques esthétiques est le propre non de la réalité philosophique mais de la réalité humaine. C'est pourquoi d'après Jean-Marie Schaeffer, « Le véritable horizon d'une esthétique “naturalisée” est en fait d'ordre anthropologique, à condition qu'on ne définisse pas l'anthropologie en des termes purement culturalistes, mais qu'on admette que la culture, dans la diversité de ses formes, est un aspect de la biologie de l'homme. Ce faisant, il ne s'agit nullement de “réduire” le culturel au biologique, mais tout simplement de comprendre que la distinction n'a pas lieu d'être (...) ». Loin de tout réductionnisme, le refus de ce dualisme « seul est capable de nous donner une base solide pour l'étude des interrelations entre les différents niveaux de complexité organisationnelle (...) qui caractérisent l'espèce humaine » (4).

Pour Schaeffer, l'adieu à l'esthétique ne doit pas être larmoyant. Les faits esthétiques comme les réalités artistiques ont démenti la doctrine. En prônant un devenir anthropologique de l'esthétique, l'auteur met également en avant le fait que les activité artistiques ne peuvent plus être pensées séparément des autres activités qui déterminent notre rapport au monde. Cependant, ce sont bien les manifestations contemporaines de l'art qui permettent à la réflexion philosophique de comprendre l'effondrement de la légitimité de la tradition esthétique. Qu'est-ce qui dans l'art contemporain a permis une telle remise en cause ?



« L'art contemporain est trop pluraliste, dans son intention aussi bien que dans sa réalisation, pour pouvoir être saisi par une seule dimension. En fait, on peut dire qu'il possède assez d'aspects incompatibles avec les contraintes du musée pour qu'un conservateur d'une toute autre espèce soit requis : un conservateur qui passe outre toutes les structures du musée afin de mettre l'art en prise directe avec la vie de gens qui n'avaient aucune raison d'utiliser le musée soit comme un reliquaire de la beauté, soit comme un sanctuaire de la forme spirituelle. (...) Les artistes, les galeries, la pratique de l'histoire de l'art et la discipline philosophique doivent tous, d'une manière ou d'une autre céder la place et devenir différents, très différents peut-être, de ce qu'ils ont été jusque-là».

Arthur Danto, L'art contemporain et la clôture de l'histoire, Ed. du Seuil, p.46-47, Paris, avril 2000



Depuis plus de vingt ans, les réflexions sur l'art sont attentives aux modifications du rapport au temps et à l'espace qui se produisent dans les œuvres contemporaines. La sectorisation des domaines de l'art est de moins en moins pertinente. Le périmètre des « Beaux-arts » est dépassé. La nomenclature des formes et des genres s'écroulent. L'expression « pratique artistique » est préférée à celle d' « œuvre d'art », tant il est difficile d'identifier l'art à un certain type d'objet. Les créations défient ou nient les lieux institués. Avec toutes les contradictions que cela impliquent, l'art sort de son espace-temps attitré. Excéder les limites, les règles et les codes est une constante en art. L'histoire de la modernité pourrait même s'écrire comme l'histoire des morts successives de l'art. Aujourd'hui peut-être en avons-nous justement fini avec la mort de l'art. À force d'excéder ses limites, à force de mourir à lui-même, l'art a peut-être cessé de devenir autonome du reste de la société. Telle est la rupture avec la modernité. La modernité, terme largement galvaudé aujourd'hui, n'est pas tant celle du XIXe siècle que celle qui vit le jour à la Renaissance, celle qui inaugura la sectorisation des pratiques humaines. Et la fin de l'art comme sphère autonome n'est pas la mort de l'art.

Depuis près de vingt ans, Arthur Danto développe l'idée d'un art après la fin de l'art. Il n'a jamais était question pour lui de nier l'existence d'une création artistique contemporaine active, au contraire. Plutôt de comprendre comment à la fin des années soixante un récit s'est achevé. Loin d'être une tragédie, la fin de l'ère de l'art est objectivement la fin d'un mouvement historique qui a commencé à la Renaissance : « Il s'agit de la fin d'un récit qui, au fil des siècle, s'est développé dans le domaine de l'histoire de l'art et qui est arrivé à son terme en se libérant du type de conflit qui étaient inévitables à l'Âge des Manifestes »( 5). Cet âge des manifestes correspond au temps où il y avait encore une pertinence à défendre un style, car celui-ci pouvait être en adéquation avec un mouvement historique. Les créations artistiques étaient jugées à l'aune de l'histoire de l'art. L'art contemporain ne se définit plus par rapport à un style : tout y est possible parce que tout le sensible est susceptible d'être artistique. « Désormais aucun type d'art ne répond d'avantage qu'un autre à un impératif historique. De même, aucun type d'art n'est plus vrai qu'un autre, et rien n'est historiquement plus faux que n'importe quoi d'autre » (6). L'art ne peut plus être considéré comme une sphère autonome, travaillant dans sa propre histoire, n'impliquant que son propre monde. Son histoire s'est achevée, pourtant aucune forme inscrite dans le temps n'est hors de l'histoire : l'art (ré)intègre une histoire qui n'est plus seulement la sienne. Les schèmes d'interprétation de l'histoire de l'art doivent donc être repensés. Par ailleurs, comme « il n'existe pas de contrainte apriorique concernant l'aspect que devrait revêtir une œuvre d'art – elle peut avoir l'aspect de n'importe quoi » (7), c'est que l'art peut être partout, aussi (ré)intègre t-il un espace social plus vaste. La détermination des lieux comme des rapports au public de l'art ne peut plus s'exercer de la même manière. La fluidité des rapports entre les différentes disciplines artistiques peuvent aussi se comprendre sous cet angle. Enfin, si aucune création ne peut apparaître plus juste qu'une autre et que l'art peut être partout, tout n'est pas pour autant de l'art. Et c'est ici, au cœur des réalités artistiques que se légitime de nouveau le travail du philosophe de l'art. C'est aussi pourquoi, selon Danto, la question la plus pertinente n'est pas de savoir ce qu'est l'art mais plutôt de savoir ce qui fait la différence entre une réalité artistique et une réalité non artistique : saisir ce que la démarche artistique apporte au sensible préexistant.

L'affirmation d'un devenir anthropologique de l'esthétique, faite par Schaeffer, et la détermination philosophique de l'art d'après l'ère de l'art de Danto, ne sont pas incompatibles. En effet, l'esthétique bien qu'englobant l'artistique ne s'y réduit pourtant pas. Et l'idée d'un rapprochement entre la réflexion philosophique et son objet, qui entraîne une rupture avec la tradition, est commune aux deux propositions. De plus, rien ne montre que la fin de l'esthétique comme tradition philosophique et fin de l'ère de l'art soit liés par une relation de cause à effet. La concomitance de ces deux « événements » relève d'un même mouvement de restructuration de notre rapport au sensible, qui joue tout aussi bien dans le champ artistique que théorique, politique, historique ou social.





« J'appelle partage du sensible ce système d'évidences sensibles qui donne à voir en même temps l'existence d'un commun et les découpages qui y définissent les places et les parts respectives.

Un partage du sensible fixe en même temps un commun partagé et des parts exclusives. Cette répartition des parts et des places se fonde sur un partage des espaces, des temps et des formes d'activité qui détermine la manière même dont un commun se prête à la participation et dont les uns et les autres ont part à ce partage. »

Jacques Rancière, Le partage du sensible, p.12, La fabrique éditions, avril 2000



Si nous assistons effectivement à la fin de l'autonomie des sphères artistique et esthétique c'est que l'ensemble des modes de structuration du sensible est en pleine transformation. Les communautés s'organisent autour de lois, de signes, d'idées, de structures qui tendent à définir un espace commun. Appartient à cette communauté qui respecte ces lois, ces idées, ces structures. Quiconque les enfreint est susceptible d'être exclut de la communauté, mis au ban. Ces lois, ces idées et ces structures dessinent donc un sensible commun. Ce sensible commun est ce qui justifie les lois, les idées et les structures en question. Il est en propre le champ du politique et la politique est la « gestion » spécifique de cet espace. Les caractéristiques de cet espace/temps commun ( l'histoire, la culture, les frontières mais aussi bien la langue, les législations...) définissent une civilisation, un pays certes mais plus généralement le mode qu'à l'homme d'être au monde. Ce sensible commun n'existe aussi que par l'existence de sensibles spécifiques c'est-à-dire de « parts exclusives », raison pour laquelle au-delà de l'évidence d'un sensible partagé, la réalité du sensible commun doit être comprise dans une dynamique permanente. Il n'est jamais clos et se modifie en permanence, son interprétation comme sa détermination précise sont plurielles, toujours soumises à débat. Pour reprendre l'allégorie du corps politique, les parties n'ont de raison que par rapport à un tout qui lui-même n'existe que par la coordination des parties. Toute modification dans un champ spécifique du sensible commun témoigne d'une transformation de celui-ci ou/et l'engendre.

Ainsi, pour Jacques Rancière, les transformations de l'art comme de la pensée sont à envisager dans le champ global des activités humaines. « Les pratiques artistiques sont des “manière de faire” qui interviennent dans la distributions générale des manières de faire et dans leur rapport avec des manières d'être et des formes de visibilité » (8). Ainsi toute modification dans un des type de « manière de faire », d'être ou de pensée, induit logiquement des modifications dans toute la sphère sensible. Aussi, les changements provoqués par l'art contemporain ne concernent pas seulement le monde de l'art, mais l'ensemble de la société. L'esthétique et le politique ont en partage et se partagent le sensible en cela qu'ils déterminent une communauté. Il n'est pas question de privilégier un quelconque enchaînement causal, plutôt de sortir de la myopie induite par la culture des domaines isolés d'activités. Bref, de repenser les questions esthétiques et artistiques en termes politiques. Car, c'est au niveau du « découpage sensible du commun de la communauté, des formes de sa visibilité et de son aménagement que se pose la question du rapport esthétique/politique. C'est à partir de là que l'on peut penser les interventions politiques des artistes (...) »( 9) et réciproquement les interventions des politiques dans le domaine artistique c'est-à-dire en propre les questions de politiques culturelles.



Ces quelques problématiques posées par Schaeffer, Danto et Rancière témoignent d'un changement profond dont le domaine de l'art contemporain se fait en quelque sorte l'écho ou le reflet. Si l'art comme phénomène autonome des autres domaines de la vie sociale appartient au passé, il faut désormais concevoir aussi bien l'activité artistique que critique ou philosophique dans ses interactions concrètes sur notre milieu de vie, donc de manière politique et pour cela nul n'est besoin de parti. Dire que l'art est par nature politique ne revient pas pour autant à identifier l'art à la politique. L'art officiel est une main mise de la politique sur l'art, une homogénéisation de l'interprétation du sensible commun. Et c'est également la conséquence d'une institutionnalisation accrue de l'art. Aussi y a t-il un réel danger dans l'alternative qui se pose aux artistes comme aux lieux d'expositions ou au discours critique de miser soit sur le soutient de l'institution, soit sur la carte du libéralisme. Sans nier les spécificités des expressions artistiques, sans tomber dans l'apologie d'une transversalité fade, il devient urgent de se rendre attentif aux signes de lucidité car il en va de la résurgence du politique, de l'émergence d'une nouvelle structuration du sensible.



1. Jean Marie Schaeffer, Adieu à l'esthétique, p.3 éd. PUF, Paris, mai 2000.

2. id., P. 8.

3. id. P. 2.

4. id. p.11-12

5. Arthur Danto, L'art contemporain et

la clôture de l'histoire, Ed. du Seuil,

p.74, Paris, avril 2000.

6. id., p.59.

7. id., p.45

8. Jacques Rancière, Le partage du sensible, p.14, La fabrique éditions, avril 2000.

9. id. p.25







Publié le 01-10-2000

Source : Mouvement



Léa GAUTHIER

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Nouveaux partages du sensible
Le Spectateur émancipé de Jacques Rancière
Jacques RANCIERE

date de publication : 02/12/2008 // 4294 signes

Dans le cadre de ses rencontres mensuelles au Point Ephémère Mouvement invite Jacques Rancière, le 16 décembre, pour une discussion autour de son dernier essai, Le Spectateur émancipé et pour débattre de la critique. A cette occasion, mouvement.net vous propose de relire la chronique que Pierre-Yves Macé lui avait consacrée, parue Mouvement n°49.

D’un livre au suivant, Jacques Rancière poursuit et affine une intense réflexion critique dont le point de mire est l’articulation entre politique et esthétique et le débrouillage des idées reçues qui caractérisent le commun des discours s’y rapportant. Au cours des cinq essais qui composent Le Spectateur émancipé, le philosophe excelle, comme toujours, à mettre dos à dos les idéologies qui se proclament opposées, à dynamiter les faux débats qui animent les cercles intellectuels dominants, à dresser les complexes généalogies de questions soi-disant contemporaines. Mais il le fait en contournant (avec succès) la posture intellectuelle qui est précisément la cible principale du Spectateur émancipé : celle du « pédagogue abrutissant », dont l’enseignement repose sur la logique d’une identité entre l’émis et le reçu, sur l’idée que « ce que l’élève doit apprendre est ce que le maître lui apprend ». Cette posture est, nous dit Rancière, beaucoup plus répandue dans le champ de l’art que ce que son apparente désuétude pourrait laisser croire. Un certain nombre d’œuvres contemporaines se donnant comme explicitement politiques se voient, jusque dans leur refus de tout didactisme, marquées par le postulat implicite d’une continuité entre les intentions de l’artiste (cause) et l’expérience du spectateur (effet), tendues vers la chimère d’une identité entre le moment poétique (l’opération artistique) et le moment esthétique de la réception. Tout à fait indépendamment des messages politiques qu’il soutient, un tel principe apparaît comme policier au sens où il envisage le commun artistique selon la logique d’une distribution fixe des places, en vertu de l’ordre dicté par les capacités, incapacités, savoirs et ignorances de chacun. Tout aussi policière serait pourtant la position en apparence inverse qui entendrait liquider les séparations qu’induirait le dispositif spectaculaire même afin de rendre la communauté (fusionnant artiste et spectateur) à elle-même : le théâtre communiel d’un côté, de l’autre, l’art plastique s’envisageant dans son dépassement vers le réel. Le topos persistant du spectateur comme individu passif, aliéné, imbécile, fait ici le jeu d’une certaine dérive de la pensée critique : désormais que les rêves d’émancipation propres aux années 1970 se sont dissipés, celle-ci renoue avec son paradoxal fondement contre-révolutionnaire, avec une certaine « haine de la démocratie » faisant le bonheur de la technocratie et du pouvoir oligarchique des experts. A un tel (double) règne du consensus comme accord scellé entre le sens (sensible) et le sens (interprétatif), Rancière oppose, exemples brillamment décrits à l’appui, un art comme lieu politique de dissensus, comme scène où se confrontent différentes manières de découper le réel selon ses (in)visibilités, ses (in)dicibilités, remettant en jeu de nouveaux « partages du sensible ». Le concept de « pensivité » de l’image que Rancière propose dans l’essai final éponyme est exemplaire à cet égard tant il se définit à partir d’une indécidabilité essentielle, comme « jeu d’écart entre plusieurs fonctions-images présentes sur la même surface ». Mais son traitement, ici trop lapidaire (ainsi la critique, annoncée, mais oubliée en cours de route, de la distinction benjaminienne entre valeur cultuelle et valeur d’exposition), laisse espérer qu’une étude à venir, plus conséquente, saura pleinement lui rendre justice. Assurément il se joue là quelque chose d’essentiel dans une entreprise philosophique d’autant plus admirable qu’elle est unique dans le paysage intellectuel français (les dernières pages, magistrales, des « Mésaventures de la pensée critique » frappent autant par l’évidence de ce qu’elles disent que par le fait étonnant que personne d’autre ne tienne un tel discours aujourd’hui), celle consistant à réhabiliter, par-delà les méfiances qu’elle aura pu susciter, une certaine idée de l’utopie émancipatrice.

> Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, éditions La Fabrique, 146 pages, 13 euros.

Photo Une : Jacques Rancière. D.R.


Pierre Yves MACE

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TEXTE D'ANALYSE
L'intermittence et la question du sensible
Texte de Jacques Rancière

source : Les éditions du mouvement // date de publication : 10/07/2003 // 2780 signes

Pour le philosophe, dans le mouvement même des intermittents, ce n'est pas aux seuls artistes de la profession de s'approprier la question du sensible

Il est dans la logique du pouvoir d'assigner chacun à ce qui lui est attribué comme place. Cette logique détermine ainsi un certain partage du sensible, c'est-à-dire une répartition de ce qui revient à chacun en fonction de sa place. Le partage du sensible, c'est donc tout d'abord un repérage des identités (lesquelles passent avant tout par les catégories socio-professionnelles, telles que "intermittents" ou même "artistes"), une distribution des visibilités et des modes de parole en fonction des lieux dans lesquels tel ou tel comportement, telle ou telle prise de parole est autorisée (théâtre, café, lieu de débat, etc.).
La politique commence lorsque le partage du sensible est mis en question, c'est-à-dire lorsqu'il devient comme tel à la fois le terrain et l'enjeu de la lutte. Autrement dit, une lutte devient politique lorsque des individus et des groupes ne revendiquent plus leur place et leur identité. Lorsqu'ils assument de devenir indiscernables, et par là même, tendanciellement ingérables, là où le pouvoir se caractérise toujours plus par un souci de gestion, de faire de toute activité, invention ou forme de vie un objet de gestion.
Dans la lutte des intermittents, quelques personnes ont commencé à dire:
"il ne s'agit pas des intermittents comme profession, il ne s'agit pas des privilèges dus à l'artiste, qui n'est pas le seul à avoir besoin de temps pour penser et inventer; il s'agit de ce qu'il y a de commun au-delà des métiers et des places; il s'agit de la situation commune qui nous est faite, et qui détermine l'existence d'une communauté de fait".
Alors, nous sommes dans un régime de parole et d'action qui tend à brouiller les principaux éléments de gestion du pouvoir, c'est-à-dire qu'un régime d'énonciation politique est apparu.
Dans le cas de cette lutte, le problème du partage du sensible prend une acuité nouvelle, puisque dans nos sociétés, c'est aux artistes que revient la tâche de mettre en travail la sensibilité, et de constituer ainsi ce qu'on pourrait appeler une communauté sensible.

La question est alors double:
1. Comment ce travail sur le sensible peut-il aboutir à des formes d'apparition politique nouvelle, qui puissent aller plus loin dans la mise en crise de la gestion normalisée, identitaire, du partage du sensible?

2. Comment pour autant ne pas recréer ce qu'il s'agit de contester, à savoir une distinction entre "les artistes" (ce qui n'indique qu'un statut social) et les autres (techniciens, profs, sympathisants, etc.)?

Dans le mouvement même des intermittents, ce n'est certes pas aux seuls artistes de la profession de s'approprier cette question du sensible; c'est à ceux qui y participent de trouver là l'occasion pour libérer l'invention de puissances d'apparition renouvelées.

Jacques Rancière,
6 juillet 2003.

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Mardi 16 décembre

Questions Critiques, 3/3 -

 Rencontre avec Jacques

Rancière


débat • 19h • entrée libre


La revue Mouvement propose une série de débats prolongeant le dossier de son numéro 49, consacré à la critique, en accueillant le philosophe Jacques Rancière : Jean-Marc Adolphe et Pierre-Yves Macé le questionneront, en particulier, sur son dernier ouvrage, Le Spectateur émancipé, paru en septembre aux éditions La Fabrique. Dans cet ouvrage où il propose aux spectateurs de se libérer de la critique pour se réapproprier l’aobjet artistique comme lieu de confrontation de points de vue, Jacques Rancière poursuit son entreprise de réhabilitation d’une certaine idée de l’utopie émancipatrice.


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