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Actes Sud, 2008
Les extraits
La première phrase
Quand Léa ne travaille pas dès le lever, juste après le premier café, ça ne lui vaut rien.
La phrase à retenir
Je l'aimais tu sais ton père. La nuit je calais ma respiration sur la sienne, pour être toujours avec lui. Même quand il dormait.
La phrase à retenir
On ne quitte pas tout le monde comme ça, juste parce que l'océan gronde et qu'une vieille femme est seule dans sa maison.
Morceau choisi
Sur un grand lit, à Naples, dans une chambre, est allongée une toute jeune fille. C'est la guerre. Dans des pays des gens se battent. Mais elle, elle est allongée, dans une grande maison cachée au fond d'une cour.
Elle s'appelle Romilda.
Parfaitement immobile, les mains croisées sur la poitrine, on dirait une morte. Ses cheveux sont dénoués. Longs, noirs, parfaitement coiffés. Elle est vêtue comme pour une fête d'une robe d'organdi blanche parsemée d'étoiles.
Ses yeux sont fermés.
Elle ne dort pas.
Romilda s'essaie à disparaître. Vraiment. Elle imagine son corps de plus en plus serré, elle absorbe par la pensée bras et jambes. C'est un exercice difficile.
- chapitre : Tableau 1 - Naples 1940 - page : 17 - éditeur : Actes Sud - date d'édition : 2008 -
Morceau choisi
Léa enfile son grand pull de laine brune, elle reste pieds nus, passe dans la pièce sur rue.
A la fenêtre, elle regarde les passants qui se hâtent. On marche toujours plus vite quand il pleut. C'est drôle, pense-t-elle, le front appuyé à la vitre, on s'immerge dans la mer facilement et on fait tout pour éviter juste quelques gouttes du ciel. Pourtant c'est bien toujours notre peau, la même, qui reçoit l'eau. En ville, est-ce qu'on fuit la pluie parce que tout le corps n'y est pas ? La sensation de l'eau glissant dans le cou suffit à glacer tout le reste. Il n'y a qu'à regarder les nuques rentrées dans les épaules de ceux qui se hâtent sur les trottoirs.
- page : 19 - éditeur : Actes Sud - date d'édition : 2008 -
Morceau choisi
Dans le brouhaha embué des autres passagers, elle prenait place. C'était un temps rien que pour elle. L'écart avec sa mère, c'est là qu'il s'est creusé. Elle apprenait à aimer la présence des autres, à aimer la vie chahutée de tournant en tournant, même si elle n'entrait ni dans les jeux des plus jeunes, ni dans les conversations des plus âgés. Ni délaissée ni exclue. En retrait simplement. L'espace se recréait autour de son corps où qu'elle soit. C'était dans leur façon de vivre, à sa mère et à elle. Elle avait été élevée comme ça. Et les mots des conversations perdaient leur sens clair dans cet espace-là. Mais elle gardait les voix. Elle contemplait les gestes. Elle aimait la vie en mouvement des autres.
- page : 79 - éditeur : Actes Sud - date d'édition : 2008 -