Choi Seung-Ho | Alerte à la neige

 

la souris touche l’image


Le poète sud-coréen Choi Seung-Ho est né en 1954. Son œuvre est orientée vers les paysages urbains et les images de gâchis, de déchets qui symbolisent pour lui une corruption en place régnant en maître. (quatrième de couverture)



La première chose qui frappe, à la lecture d’Alerte à la neige de Choi Seung-Ho, c’est la manière dont cette écriture avance en ligne droite, mais se déploie aussi en faisant tout pour conquérir la spirale. Manière de porter la contradiction au cœur de ce qui se donne apparemment sans ambiguïté.


Ligne droite : certains poèmes font usage explicite du registre religieux. Spirale : l’autorité écrasante de ce registre est soumise à l’érosion d’une réalité où le corps, dévoré par le langage qui observe sa décrépitude, n’en finit pas de se rompre, de se perdre, de tomber dans le malheur.


Et autour de ces lignes croisées, comme bouillon d’électrons, le caisson étanche d’une coque de ciment. C’est la ville qui vient écraser les humains ; ceux qui parviennent à survivre n’attendent aucun secours. Ils se terrent et voient, au fond de leurs trous, leurs bras, leurs jambes, leurs torses, se couvrir d’écailles ou de fourrure. Partout c’est l’animal qui perce. Chaque fois qu’une issue se présente, dans la fausse lumière des néons, elle est frangée de crocs.


Mais une telle accumulation d’horreur ne parvient pas à faire taire la voix. Il semble alors que chaque phrase écrite, on ne sait au prix de quel effort, se détache, se soulève et frappe. Tête de serpent. Une singulière invulnérabilité, le triomphe d’une agonie sans fin, est chevillée à ce magma de bêtes, de ferraille, de toxines, d’humains. Alors on s’approche et on essaie de savoir de quoi se nourrit cette vie... On déchiffre de petites inscriptions très serrées, entre les taches de rouille et de moisissure, une écriture minuscule gravée par le regard mi-hébété, mi-clairvoyant, de celui qui erre dans le noir. J’ai souvent pensé aux Microgrammes de Robert Walser en lisant Alerte à la neige, comme l’urgence siamoise, entre l’Asie et la petite ville de Bienne, de trouver un espace tellement aigu et dense, qu’il résiste même au temps.


Perfection des choses imparfaites et fragiles… Wabi – Sabi


Les chapeaux enfoncés

Je ne connais toujours pas leur nom

Juste de l’autre côté de la maison
D’où l’on voit de loin l’hôtel,
D’où l’on voit de loin
L’hôtel où chaque chambre s’allume
Et chaque nuit les néons éblouissants, rouge, bleu, vert,
Une clinique d’obstétrique s’est installée en expulsant un moulin.
À cause du fréquent déversement dans les égouts
Des fœtus arrachés sur la table d’opération,
J’ai été obligé de les rencontrer
Les individus au chapeau enfoncé.
Ils venaient chaque nuit en franchissant le mur
En tirant sans cesse sur leur pipe
En se collant au mur pour dissimuler leur corps,
Les individus au chapeau enfoncé,
Afin de cacher leur visage ruisselant de sang,
Leur tête semblable à une pieuvre rongée par la moisissure.
Ils jettent de temps à autre un regard par la fenêtre
Vêtus d’une veste de cuir déchirée par les coups de couteau.
Ces individus, est-ce qu’ils voudraient sucer tout leur saoul
Jusqu’à mes mamelons désséchés ?




모자를 눌러 쓴 나는 아직껏 그들의 이름을 모른다 호텔이 멀리 보이는 밤마다 휘황찬란한 빨강 파랑 초록  네온사인과 방마다  불이켜지는 호텔이 멀리 보이는 집 바로 건너편에 떡방아간을 밀고 대신 산부인과가 들어서고 수술대 위에서 뜯겨진 태아들을 뻔질나게 하수도로 쏟아놓는 덕분에 나는 그들과 만나야했다 모자를 눌러쓴 녀석들 그들은 밤이면 담을 타 넘어왔다 연거푸 곰방대를 빨며 벽에 바짝 달라붙어 몸을 숨기면서 곰팡이가 움푹 파먹은 문어같은 대가리를 피 줄줄흐르는 얼굴을 감추려고 모자를 눌러쓴 녀석들 그들은 너덜너덜 칼질당한 가죽잠바를 걸친 채 이따금씩 유리창을 기웃거리곤한다 녀석들, 말라빠진 내 젖꼭지라도 실컷 빨자는건가?




CHOI Seung-Ho, Alerte à la neige, traduit du coréen par No Mi-Sug et Alain Génetiot, Éd. Autres Temps 2007.

Philippe Rahmy - 20 octobre 2007


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