Parution :  février 2009   

A travers accidents et bifurcations, C. Malabou continue de développer une notion qui lui est chère : celle de la plasticité. Elle s'intéresse aux changements et métamorphoses liés tant aux aléas et aux aspérités de ces vies qu'à leurs cours naturel comme le vieillissement et le déclin.

Ontologie de l'accident

En conséquence de graves traumatismes, parfois pour un rien, l'histoire du sujet bifurque et un personnage nouveau, sans précédent, cohabite avec l'ancien. Un personnage méconnaissable, dont le présent ne provient d'aucun passé, dont le futur n'a pas d'avenir. Un monstre dont aucune anomalie génétique ne permet d'expliquer l'apparition. Une improvisation existentielle. De cette impossibilité du retour de l'identité blessée sur elle-même, une forme surgit, née de l'accident, née par accident. Quelle est cette forme ? Un visage ? Une allure ? Un profil psychologique ? Et quelle ontologie peut-elle en rendre compte, si l'ontologie est depuis toujours attachée à l'essentiel et reste aveugle à l'aléa des transformations ? Quelle histoire de l'être peut-elle expliquer le pouvoir plastique de la destruction, de la tendance explosive de l'existence qui menace secrètement chacun de nous ?

Poursuivant sa réflexion sur les chocs psychiques et cérébraux, Catherine Malabou nous invite ici à une aventure philosophique et littéraire, où Spinoza, Deleuze, Freud croisent Proust et Duras.


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Le plaisir au dessin 

 17/09/2009 

 Galilée

Ce texte reprend dans une nouvelle version celui du catalogue de l’exposition « Le plaisir au dessin », que Jean-Luc Nancy avait organisée en 2007 au musée des Beaux-Arts de Lyon. Il présente une réflexion sur le dessin qui considère ce dernier à la fois pour lui-même et comme un paradigme pour tous les arts de ce qu’on nomme « la forme », et plus précisément la forme dans son mouvement naissant, dans sa formation, dans son élan et dans le maintien de cet élan par-delà l’achèvement de l’œuvre.
Le « plaisir » dont il s’agit ne doit pas être compris comme satisfaction mais comme maintien ou reprise du désir dont la forme procède, ou mieux : que la forme « est » en quelque façon. S’engage ainsi une discussion avec la théorie freudienne du plaisir tant sexuel qu’esthétique.
Entre les sections du texte figurent des « carnets de croquis » qui rassemblent un grand nombre de citations d’artistes ou de philosophes comme autant d’esquisses pour multiplier les lignes de pensée. 

Dess(e)in (c'est le même mot) : désir de faire venir la forme, c'est-à-dire l'idée.
Dessin : idée sensible, ligne qui porte puissance d'infini. Dessin graphique, sans doute, mais aussi mélodique, rythmique, filmique, poétique. C'est un des opérateurs communs de tous les arts. Son plaisir, c'est son désir : que la forme vienne et que sans se déposer elle suspende son tracé pour en renouveler tout l'élan. Plaisir de désirer, non de résoudre une tension. C'est par quoi il faut aborder l'érotique de l'art aussi bien que l'érotique tout court.
Finalité sans fin : renouvellement infini de la fin, puisqu'elle n'est autre que l'inépuisable profusion qui nous est offerte de formes, de lignes de sens. Accompagné des dessins de Voilerie Adami, Pierre Alechinsky, Jean Le Gac, Ernest Pignon-Ernest, François Rouan, Gérard Titus-Carmel, Vladimir Veliékovié. 



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«Je ne suis pas “en deuil”. J'ai du chagrin» 

Le «Journal de deuil», de Roland Barthes   

26 octobre 1977 - 15 septembre 1979 

 

29 octobre 1977


Idée - stupéfiante, mais non désolante - qu'elle n'a pas été « tout » pour moi. Sinon, je n'aurais pas écrit d'œuvre. Depuis que je la soignais, depuis six mois, effectivement, elle était « tout » pour moi, et j'ai complètement oublié que j'avais écrit. Je n'étais plus qu'éperdument à elle. Avant, elle se faisait transparente pour que je puisse écrire.


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Paru le
: 05/02/2009

31 octobre
Lundi 15 h - Rentré seul pour la première fois dans l'appartement. Comment est-ce que je vais pouvoir vivre là tout seul. Et simultanément évidence qu'il n'y a aucun lieu de rechange.

5 novembre


Après-midi triste. Brève course. Chez le pâtissier (futilité) j'achète un financier. Servant une cliente, la petite serveuse dit Voilà. C'était le mot que je disais en apportant quelque chose à maman quand je la soignais. Une fois, vers la fin, à demi inconsciente, elle répéta en écho Voilà (Je suis là, mot que nous nous sommes dit l'un à l'autre toute la vie). Ce mot de la serveuse me fait venir les larmes aux yeux. Je pleure longtemps (rentré dans l'appartement insonore).

Ainsi puis-je cerner mon deuil. Il n'est pas directement dans la solitude, l'empirique, etc.; j'ai là une sorte d'aise, de maîtrise qui doit faire croire aux gens que j'ai moins de peine qu'ils n'auraient pensé. Il est là où se redéchire la relation d'amour, le « nous nous aimions ». Point le plus brûlant au point le plus abstrait...

19 novembre


[Brouillage des statuts]. Pendant des mois, j'ai été sa mère. C'est comme si j'avais perdu ma fille (douleur plus grande que cela? Je n'y avais pas pensé).

30 novembre


Ne pas dire Deuil. C'est trop psychanalytique. Je ne suis pas en deuil. J'ai du chagrin.

7 décembre


Maintenant, parfois monte en moi, inopinément, comme une bulle qui crève: la constatation: elle n'est plus, elle n'est plus, à jamais et totalement. C'est mat, sans adjectif - vertigineux parce qu'insignifiant (sans interprétation possible). Douleur nouvelle.

27 décembre


Urt

Crise violente de larmes (à propos d'une histoire de beurre et de beurrier avec Rachel et Michel). 1) Douleur de devoir vivre avec un autre «ménage». Tout ici à U. me renvoie à son ménage, à sa maison. 2) Tout couple (conjugal) forme bloc dont l'être seul est exclu.

12 février 1978


Neige, beaucoup de neige sur Paris; c'est étrange. Je me dis et j'en souffre: elle ne sera jamais plus là pour le voir, pour que je le lui raconte.

6 mars


Mon manteau est si triste que l'écharpe noire ou grise que je mettais toujours, il me semble que mam. ne l'aurait pas supportée et j'entends sa voix me disant de mettre un peu de couleur.

Pour la première fois, donc, je prends une écharpe de couleur (écossaise).

20 mars


On dit (me dit Mme Panzera ): le Temps apaise le deuil - Non, le Temps ne fait rien passer; il fait passer seulement l'émotivité du deuil.

2 avril


Qu'ai-je à perdre maintenant que j'ai perdu la Raison de ma vie - la Raison d'avoir peur pour quelqu'un.

Deuil Casa 27 avril 1978 matin de mon retour à Paris


- Ici, pendant quinze jours, je n'ai cessé de penser à mam., et de souffrir de sa mort.

- Sans doute qu'à Paris il y a encore la maison, le système qui était le mien quand elle était là.

- Ici, loin, tout ce système s'écroule. Ce qui fait, paradoxalement, que je souffre beaucoup plus lorsque je suis « à l'extérieur », loin d'« elle », dans le plaisir (?), la «distraction». Là où le monde me dit: «Tu as tout ici pour oublier», d'autant moins j'oublie.

12 mai


J'oscille - dans l'obscurité - entre la constatation (mais précisément: juste?) que je ne suis malheureux que par moments, par à- coups, d'une façon sporadique, même si ces spasmes sont rapprochés - et la conviction qu'au fond, en fait, je suis sans cesse, tout le temps, malheureux depuis la mort de mam.



barthes_0.jpg

Graeme Baker/Sipa
Roland Barthes5 juin


Chaque sujet (c'est ce qui apparaît de plus en plus) agit (se démène) pour être «reconnu». Pour moi, à ce point de ma vie (où mam. est morte) j'étais reconnu (par les livres). Mais chose étrange - peut-être fausse? -, j'ai le sentiment obscur qu'elle n'étant plus là, il me faut me faire reconnaître de nouveau. Ce ne peut être en faisant n'importe quel livre de plus: l'idée de continuer comme par le passé à aller de livre en livre, de cours en cours m'a été tout de suite mortifère (je voyais cela jusqu'à ma mort). (D'où mes efforts actuels de démission).

Avant de reprendre avec sagesse et stoïcisme, le cours (d'ailleurs non prévu) de l'œuvre, il m'est nécessaire (je le sens bien) de faire ce livre autour de mam. En un sens, aussi, c'est comme si il me fallait faire reconnaître mam. Ceci est le thème du «monument»; mais: pour moi, le Monument n'est pas le durable, l'éternel (ma doctrine est trop profondément le Tout passe: les tombes meurent aussi), il est un acte, un actif qui fait reconnaître.

16 juin


Parlant à Cl. M. de l'angoisse que j'ai à voir les photos de maman, à envisager un travail à partir de ces photos: elle me dit: c'est peut-être prématuré. Quoi, toujours la même doxa (la mieux inten­tionnée du monde): le deuil va mûrir (c'est-à-dire que le temps le fera tomber comme un fruit, ou éclater comme un furoncle).

Mais pour moi, le deuil est immobile, non soumis à un processus: rien n'est prématuré à son égard (ainsi ai-je rangé l'appartement, dès le retour d'Urt: on aurait pu dire aussi: c'est prématuré).

29 juillet


(Vu un film de Hitchcock, «les Amants du Capricorne») Ingrid Bergman (c'était vers 1946): je ne sais pourquoi, je ne sais comment le dire, cette actrice, le corps de cette actrice m'émeut, vient toucher en moi quelque chose qui me rappelle mam.: sa carnation, ses belles mains si simples, une impression de fraîcheur, une féminité non narcissique...

1er août


Deuil. A la mort de l'être aimé, phase aiguë de narcissisme: on sort de la maladie, de la servitude. Puis peu à peu, la liberté se plombe, la désolation s'installe, le narcissisme fait place à un égoïsme triste, une absence de générosité.

18 août


L'endroit de la chambre où elle a été malade, où elle est morte et où j'habite maintenant, le mur contre lequel la tête de son lit s'appuyait j'y ai mis une icône - non par foi - et j'y mets toujours des fleurs sur une table. J'en viens à ne plus vouloir voyager pour que je puisse être là, pour que les fleurs n'y soient jamais fanées.

Partager les valeurs du quotidien silencieux (gérer la cuisine, la propreté, les vêtements, l'esthétique et comme le passé des objets), c'était ma manière (silencieuse) de converser avec elle. - Et c'est ainsi qu'elle n'étant plus là, je peux encore le faire.

21 août


Pourquoi aurais-je envie de la moindre postérité, du moindre sillage, puisque les êtres que j'ai le plus aimés, que j'aime le plus, n'en laisseront pas, moi ou quelques survivants passés? Que m'importe de durer au-delà de moi-même, dans l'inconnu froid et menteur de l'Histoire, puisque le souvenir de mam. ne durera pas plus que moi et ceux qui l'ont connue et qui mourront à leur tour  Je ne voudrais pas d'un «monument» pour moi seul.

Le chagrin est égoïste.

Je ne parle que de moi. Je ne puis parler d'elle, dire ce qu'elle était, faire un portrait bouleversant (comme celui que Gide fit de Madeleine).

22 novembre


Hier soir, cocktail pour mes 25 ans au Seuil. Beaucoup d'amis - Es-tu content ? - Oui, bien sûr [mais mam. me manque]. Toute «mondanité» renforce la vanité du monde où elle n'est plus. J'ai sans cesse «le cœur gros». Ce déchirement, très fort aujourd'hui, dans

la matinée grise, m'est venu, si j'y pense, de l'image de Rachel, assise hier soir un peu à l'écart, heureuse de ce cocktail, où elle avait un peu parlé aux uns et aux autres, digne, « à sa place », comme les femmes ne le sont plus et pour cause puisqu'elles ne veulent plus de place - sorte de dignité perdue et rare - qu'avait mam. (elle était là, d'une bonté absolue, pour tous, et cependant «à sa place».) J'écris de moins en moins mon chagrin mais en un sens il est plus fort, passé au rang de l'éternel, depuis que je ne l'écris plus.

© Seuil
 
 

참고/ 

1. 올리비에 삐 à écouter 

2. http://bibliobs.nouvelobs.com/20090129/10269/barthes-le-mal-de-mere

3. l'exposition " Roland Barthes " présentée au Centre Pompidou du 27 novembre 2002 au 10 mars 2003


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목소리의 결정
롤랑 바르트 지음, 김웅권 옮김 / 동문선 / 2005년 12월
24,000원 → 21,600원(10%할인) / 마일리지 1,200원(5% 적립)
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문제적 텍스트 롤랑/바르트
그레이엄 앨런 지음, 송은영 옮김 / 앨피 / 2006년 5월
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글쓰기의 영도
롤랑 바르트 지음, 김웅권 옮김 / 동문선 / 2007년 7월
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Histoire du Corps (t.3) Les mutations du regard, le XXe siècle.
Seuil, coll. L'Univers historique. - 2006  

Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello (Dir.) 


Jamais, avant le XXe siècle, le corps humain n'avait connu de tels bouleversements. Ces profondes transformations, ressenties à même la chair, sont tout autant mutation des regards qu'on a portés sur lui.
Le déplacement du rapport entre santé et maladie, corps normal et corps anormal, vie et mort dans une société médicalisée de part en part ; le relâchement de disciplines héritées du passé, la légitimité accordée au plaisir en même temps que l'émergence de nouvelles normes et de nouveaux pouvoirs, biologiques et politiques ; la recherche du bien-être individuel et l'extrême violence de masse, le contact des peaux dans la vie intime et la saturation de l'espace public par la froideur des simulacres sexuels : tels sont quelques-uns des paradoxes et des contrastes au sein desquels s'est constitué le rapport du sujet contemporain à son corps.
Un autre enjeu surgit alors : interroger le corps en ce siècle heureux et tragique n'est-il pas une manière de poser la question de l'humain ? À l'heure où prolifèrent les corps virtuels, où s'échangent le sang et les organes, où s'estompe la frontière entre le mécanique et l'organique, où l'on s'approche de la programmation de l'espèce et de la réplication de l'individu, il est plus que jamais nécessaire d'éprouver la limite de l'humain : "Mon corps est-il toujours mon corps ?" L'histoire du corps ne fait que commencer.
- Présentation de l'éditeur -


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